dimanche 29 juillet 2018

Les « vraies affaires »*


Voici un texte que mon ami Francis Lagacé a publié le 11 juin 2007 et qui est encore d’actualité


Les « vraies affaires »* 

11 juin 2007



Ce sont en général des hommes, relativement jeunes, ils ont entre 18 et 40 ans. Ils aiment se retrouver entre eux dans les brasseries ou autour d’un écran pour suivre leurs matches préférés. Alors, entre eux, ils se disent les « vraies affaires ». 
De quoi s’agit-il au juste? De certaines choses qu’il ne convient pas de répéter en public quand on est bien élevé, mais que certains animateurs de radio se plaisent à crier tout haut pour leur faire plaisir. De quantité de clichés et de stéréotypes qu’on n’a plus le droit d’encourager, mais qui font tellement de bien à dire pour se défouler. Est-ce que c’est ça les « vraies affaires »?


 
 Le paragraphe qui précède fonctionne exactement selon le mode du préjugé. Il y a des gens qui aiment se complaire dans leur façon de voir et qui trouvent que la société va trop vite à leur goût ou que ceux qui ne pensent pas comme eux ou ne vivent pas comme eux prennent trop de place. Alors, que font-ils? Ils se dépêchent de construire une caricature qui permet de cibler un type, une forme, de donner un visage reconnaissable à ce qui les embête. On crée un portrait-robot, ce qui est commode pour ensuite dire que tous ceux qui correspondent à ce portrait sont des ceci ou des cela et qu’ils n’ont pas d’allure.


  
C’est exactement ainsi qu’a été conçu le premier paragraphe en créant un portrait-robot (injuste et inexact bien sûr, quoique basé sur certaines données sociologiques) de celui qui crée des portraits-robots et appuie les forts en gueule des radios propres à exciter les foules. Alors, on imagine un jeune sportif de salon à casquette, peu féru de livres et qui se plaît à cracher son venin sur le plateau Mont-Royal, même s’il n’a pas la moindre idée de ce à quoi ce quartier montréalais ressemble.



Mais, la réalité est beaucoup plus complexe et ce serait bien bête d’accuser tous les sportifs à casquette d’être des amateurs de Jeff Filion. Ce serait aussi un manque de jugement de croire que tous les intellectuels détestent les sports. On sait par exemple qu’Hubert Aquin, l’un des plus grands intellectuels québécois des années 60 et 70, était féru de hockey et de football américain. Il est d’ailleurs parmi les fondateurs du Grand Prix de Montréal.


 
Les jugements rapides, les portraits-robots faciles, la tentation de classer dans les « vraies affaires » tout ce qui se conçoit bien pour nous et de rejeter comme bizarre tout ce qui ne nous paraît pas approprié font en sorte que nous nous privons d’échange et de rencontres qui seraient fort enrichissantes.


 
« Mais, où s’en va-t-il avec son sermon? » se demande tante Cunégonde pendant qu’elle me lit confortablement assise à une table d’un bar qui accueille de jeunes musiciens indépendants (c’était trop facile pour vous de l’imaginer devant son téléviseur avec sa tasse de thé). Eh bien, une association de familles est un lieu privilégié pour faire se rencontrer les générations, et c’est dans le choc des générations que nous découvrons le nouveau et pouvons faire partager l’ancien. On se rend compte aussi très vite que ce n’est pas parce qu’on porte le même nom que l’on voit les choses du même œil. Et ces différences qui se rencontrent d’une famille à l’autre se produisent également dans une même famille au sein d’une même génération.



Soyons donc ouvert à l’apport de la jeunesse, à l’apport de la différence et mettons en commun nos expériences. Faire le tour de nos origines et de nos ramifications nous oblige à découvrir toute la variété de l’aventure humaine. Si nous profitons bien de cette chance, nous saurons que, dans la vie, les « vraies affaires » ne sont pas simples, elles prennent leur temps à se faire comprendre et à révéler toutes leurs couleurs. Ainsi nous aurons fait notre part pour lutter contre les préjugés et les stéréotypes qui nuisent aux rapports harmonieux d’une société.



 *Ce texte est paru dans la rubrique "La réflexion du président" dans le vol. 17, no 2, du journal La Gâchette de l'Association des familles Lagacé-Lagassé inc.


LAGACÉ Francis

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