lundi 17 décembre 2018

Les fondements de l'idéologie sioniste


Voici une analyse du sionisme que Bruce Katz co-président du PAJU avais écrit en 2004 que je repartage avec vous:



Les fondements de l'idéologie sioniste 

Israël – 23 aoüt 2004

Par Bruce Katz

Conférence du 14 octobre 2003 avec Bruce Katz Juif canadien, anti-sioniste, professeur de langues, co-président de PAJU (Palestiniens et Juifs Unis) RM-110, Pavillon de la gestion Université du Québec à Montréal

Le mur qu’il fait construire est le symbole par excellence de l’idéologie sioniste : garder le monde externe, l ’ « Autre », à l’extérieur tout en gardant le Juif prisonnier à l’intérieur. De cette façon Sharon fait d’Israël le plus grand ghetto au monde. En fin de compte, la libération du peuple palestinien sera à la fois la libération des Juifs des concepts suffoquants du sionisme. Quoique la souffrance des Palestiniens atteint un niveau inhumain, et cela dans le silence complice de plusieurs média et politiciens, il faut garder à l’esprit que le Juif est aussi la victime du sionisme car le sionisme nie son existence comme individu.

Introduction



Je voudrais vous présenter une analyse du sionisme du point de vue de la conceptualisation idéologique qui sous-tend ces manifestations de brutalité, dont certaines constituent des crimes de guerre, infligées à la population civile palestinienne. Je ne m’étendrai pas en tant que tel sur ces --manifestations car si on veut arriver à déconstruire un système idéologique qui représente, au fond, le rejet de la modernité et de son évolution vers le pluralisme, il faut aller aux sources conceptuelles; retrouver avec précision les sources originelles de cette idéologie.



Il serait présomptueux de ma part de prétendre que je peux jeter plus qu’un regard global sur les fondements idéologiques du sionisme dans les trente minutes de ma présentation.



Je peux cependant exposer les grandes lignes du sionisme quant à sa structure idéologique laquelle met en évidence qu’il prend ses racines dans la pensée anti-libérale et contre-révolutionnaire comme tout nationalisme qui se replie sur l’idée de l’homogénéité ethnolinguistique ou ethnoculturelle.



Je commencerai avec des constats d’ordre général sur la nature du nationalisme, au moins le nationalisme de la Droite. J’examinerai ensuite comment ces constats s’appliquent au cas particulier du sionisme.



Depuis la Révolution française, l’on peut distinguer deux tendances générales dans le nationalisme.



La conceptualisation de ces deux tendances en ce qui concerne l’opposition entre liberté individuelle et l’idée du corps collectif n’a pas vraiment changé, quoique leur champ de bataille avant 1870 ait été de nature socio-politique, et de nature culturelle à la suite de l’ascension de la Prusse et de l’unification de l’Allemagne.



Il faut reconnaître que l’ultra-conservatisme contre-révolutionnaire et le libéralisme ne sont pas respectivement l’expression du nationalisme et de l’anti-nationalisme, mais qu’ils sont deux notions divergentes de la nation.



Le libéralisme qui tend vers l’universalisme du Siècle des lumières et vers les droits de l’individu incarne l’idée de la nation jusqu’à la défaite de la France par Bismarck alors que l’ultra-conservatisme qui tend vers le particularisme et vers le « corps collectif » incarne l’idée de la nation depuis le pangermanisme, et cela particulièrement dans l’Europe de l’Est d’où vient le sionisme en tant que mouvement idéologique et politique.



À cette dernière conception de la nation fixons le terme nationalisme « organique » car on associe non seulement à la collectivité la notion de regroupement d’individus vivant ensemble et étant soumis aux mêmes lois, mais on l’investit également d’une vie propre, parallèle et supérieure à celle de l’individu.



Ainsi crée-t-on par une sorte de genèse, le corps mystique de la collectivité sociale qui devient une fin en elle-même, dotée de sa propre force motrice et omni-puissante comme Dieu.



Bref, l’individu appartient maintenant corps et âme à la nation, laquelle à son tour devient le corps et l’âme de tous et de toutes. En ce sens, la nation devient « organique. » Rappelons-nous ce terme que j’utiliserai à quelques reprises car le sionisme, comme plus ou moins tous les mouvements nationalistes de l’Europe de l’Est, lesquels se replient sur la notion de la pureté ou de l’intégrisme ethnolinguistique, est un nationalisme organique dans le sens que je viens d'énoncer. On a « ethnisé » et sécularisé le Judaïsme afin de faire de lui la pierre angulaire de l’appareil étatique.



Il semble donc que le courant triomphal du nationalisme au 20e siècle provienne du projet de la Droite sur le plan conceptuel et non de celui de la gauche (bien que dans leurs extrêmes ils se fondent l’un dans l’autre; voir l’œuvre de Zeev Sternhell, Ni droite, ni gauche, l’idéologie fasciste en France).



Il est vrai que certains droitistes se dirent gauchistes – Maurice Barrès et Josef Goebbels parlaient au nom d’un « socialisme » nationaliste. Cela devient possible une fois que le nationalisme cesse d’être l’expression de l’universalisme et donc de l’internationalisme.



Il devient à la fois et le rejet du libéralisme et le rejet du socialisme car ces deux systèmes de pensée puisent dans l’universalisme et non dans le particularisme de l’ethnie ou de la religion. Il apparait qu’au moment où ce socialisme nationaliste se combine avec le rejet nihiliste et, a priori, de la modernité, tous les éléments d’un fascisme, d’un culte du Sang et de la Terre sont présents. Je suggère qu’il faut regarder un Ariel Sharon ou un Netanyahu à la lumière de ce constat.



Le socialisme nationaliste est apparu dans les dernières années du 19e siècle et au début du 20e siècle comme alternative au marxisme et au libéralisme.



Ce qui est unique au socialisme nationaliste est l’acceptation du principe de la primauté de la nation qui assujettit les valeurs du socialisme, normalement universalistes, au service des valeurs particulières de celle-ci. Alors, le socialisme nationaliste se fonde sur l’idée de la nation comme étant l’unité culturelle, historique et biologique ou, si on veut, au sens figuré, « une grande famille étendue. »



L’individu est une partie organique de l’entier, et l’entier prime sur l’individu. Ainsi en est-il du sionisme comme de tout autre nationalisme organique. Ici, le Juif en tant qu’individu n’a aucune signification intrinsèque; sa signification ne peut être appréhendée que dans la mesure où il est utile ou productif pour la nation.



Alors, pour assurer l’avenir de la nation et afin de la protéger contre les forces qui pourraient la miner, il est nécessaire de mobiliser toutes les classes sociales contre les deux grands dangers qui la menacent depuis la venue de la modernité : le libéralisme et le marxisme dans leurs diverses formes. C’est ainsi que le nationalisme organique ou intégriste est à la fois anti libéral et anti marxiste.



Comme le socialisme démocratique s’oppose au tribalisme, il n’est guère surprenant que le socialisme nationaliste, lequel repose sur la notion biologique ou ethno culturelle de la nation, soit l’antithèse du socialisme démocratique. Ainsi en est-il pour le sionisme lequel prétend, par contre, qu’il se base sur les principes universalistes du socialisme. Cela est faux, comme nous allons le démontrer bientôt.



Dans l’Europe occidentale, le nationalisme a fait d’abord son apparition comme phénomène politique et juridique. Ici la nation s’est développée à travers un long processus d’unification d’une population très diverse en termes d’origine ethnique, de langue, de religion. Mais dans l’est de l’Europe les critères de l’appartenance à la nation n’étaient pas politiques mais plutôt culturels, linguistiques, ethniques et religieux.



L’identité allemande, polonaise, slovaque, serbe, et cetera, évoluaient non comme expression de l’obéissance à une seule autorité mais comme résultat des particularismes de la religion, de la langue et de la culture lequels une fois vus comme un entier intégral et immuable, sont devenus synonymes des différences biologiques ou raciales (le sens de la « race » au 19e siècle).



Dans l’Europe de l’est l’idée de la société civile n’avait pas le même poids qu’en Europe occidental. Pour cela le libéralisme et le socialisme démocratique lesquels s’opposaient philosophiquement au nationalisme tribal, n’avaient jamais vraiment percé dans l’Europe de l’est.



Alors voilà le contexte historique et intellectuel dans lequel le mouvement nationaliste juif, lequel est connu par le terme « sionisme », est né. Comme le dit Zeev Sternhell, The Founding Myths of Israël : « Le sionisme est né dans un monde de nationalités violentes et bruyantes, un monde n’ayant aucune tolérance nationale ni religieuse, un monde dans lequel la distinction entre la religion, la société et l’état était inconnue et peut-être inconcevable. »



En ce qui concerne le sionisme, tel que le fait ressortir Sternhell, on peut faire le constat suivant : le nationalisme organique est beaucoup plus topique au sionisme que l’idée d’un mouvement socialiste révolutionnaire. D’une certaine façon, le sionisme est la réponse à l’échec du libéralisme en Europe face aux nationalismes tribaux lesquels avaient un caractère xénophobe et anti-sémite.



L’Affaire Dreyfus en France souligna la crise du libéralisme, et en ce qui concernait les Juifs, l’Affaire Dreyfus remettait en question l’avenir de l’émancipation des Juifs en Europe.



Pour Théodore Herzl comme pour l’intelligentsia juive en Europe occidentale, la France était à la fois le modèle de la société libérale et l’expression de l’avenir du libéralisme en Europe. C’est pour cela que l’Affaire Dreyfus les a horrifiés et les a amenés à envisager un mouvement national juif hors du continent européen.



L’ironie, c’est que le sionisme, en tant que réaction au nationalisme organique ou tribal qui rejetait a priori le Juif comme citoyen de la nation, a été conçu à la lumière de ce même nationalisme intégriste, car si Herzl avait la vision d’un mouvement fondé sur les principes du libéralisme, telle n’était pas la situation dans l’Europe de l’est, région où la grande majorité des Juifs européens vivaient et qui sert de base au mouvement sioniste,.



Là, comme l’explique Sternhell, l’intelligentsia juive s’est rendue compte que le principe de l’émancipation des Juifs représentait un nouveau défi pour la communauté juive : pour la première fois de l’histoire, les Juifs dans l’Europe de l’est faisaient face au concept libéral de l’émancipation du citoyen en tant qu’individu. Pour la première fois il existait la possibilité que l’avenir collectif des Juifs dépende de chaque Juif en tant qu’individu.



L’individualisme à caractère libéral (ni tout bon ni tout mauvais) … apparut alors comme une menace à l’existence des Juifs comme unité homogène et autonome.



Comme le dit Sternhell : « le sionisme était non seulement une réaction à l’insécurité grandissante des Juifs mais aussi une réponse tribale au défi de l’émancipation du Juif en tant qu’individu. » Le sionisme de par sa nature supprime l’individualisme chez le Juif pour le mettre au service de la collectivité, laquelle est de par sa conception, organique. En ceci, le sionisme en tant qu’idéologie politique est contre-révolutionnaire et anti-libéral.



Pour David Ben-Gurion, le sionisme était non seulement une réponse à la détresse des Juifs européens, mais aussi la solution à la perte de l’identité collective des Juifs,. Veut- veut pas, ce dilemme entre la vie collective conçue en termes de langue, culture et religion, et la tendance qu’a la modernité à gommer les différences, fait partie de tout débat sur la nature de la société humaine.



Il faut dire que jusqu’au début des années 1920, il y avait une autre réponse aux pogroms et à la discrimination économique dont les Juifs étaient victimes en Europe : l’émigration aux Etats-Unis.



En effet, parmi la masse des Juifs qui ont quitté l’Europe de l’est 30 ou 40 ans avant que les États-Unis n’adoptent en 1922 les lois restrictives sur l’immigration, seulement un pour cent des Juifs émigraient vers la Palestine.



Pour cette petite élite de pionniers le sionisme était plus que la tentative de se sauver ou de sauver ses biens; c’était aussi une réaction à la modernité dont le processus menaçait l’idée d’une collectivité juive. C’est seulement au moment où les États-Unis ferment leurs portes aux immigrants que la Palestine devient le choix des émigrés juifs.



Mais le Juif qui arrive en Palestine, quittant l’antisémitisme institutionnalisé en Europe, est considéré par l’élite sioniste comme celui qui remplit sa mission nationale. Il n’est pas là en tant qu’individu, à qui la Palestine offre une plus grande sécurité physique, il est là en tant que dent dans la grande roue de l’engrenage de la nation.



Il est ironique de constater qu’aujourd’hui le processus d’immigration se renverse et que maintenant plusieurs Juifs israéliens qui ont les moyens et possèdent la double citoyenneté quittent Israël -pour retourner en Europe ou en Amérique du nord où les communautés juives jouissent de beaucoup plus de sécurité. Quelle ironie d’entendre Ariel Sharon prétendre donner plus de sécurité aux Israéliens.



Il est vrai que la création de la société israélienne était aussi due à la nécessité de sauver les Juifs européens de la destruction. Les trois premières vagues d’immigration relevaient de décisions idéologiques mais leur nombre n’était pas significatif. Mais dans les années 30 et 40 l’immigration massive surtout en provenance de la Pologne et de l’Allemagne était motivée par la grande détresse des Juifs européens. Rappelons-nous qu’à cette époque les soi-disant grandes démocraties ont complètement abandonné les Juifs, et le Canada a le pire record de tous, ayant systématiquement empêché les Juifs d’entrer au pays entre 1933 et 1948. Sans l’abandon des Juifs par les démocraties occidentales, l’élan de l’émigration juive vers la Palestine n’aurait pas eu lieu.



Comme dit Zeev Sternhell, il n’y a pas eu de mouvement national lequel n’essaie pas d’atteindre des objectifs idéologiques : la définition de l’identité nationale en termes historiques et culturels, l’autodétermination comme un pas vers l’indépendance, la réalisation de l’indépendance et la création de l’état nation. En ceci le sionisme n’a pas été unique. Mais derrière la rhétorique et les mythes qui soutiennent le sionisme comme idéologie nationaliste il y a un fait incontournable : l’établissement du sionisme en Palestine /b> a signifié la conquête de la terre en déplaçant la population indigène, la création d’un état indépendant par le biais de la colonisation, et l’utilisation de la force quand on le jugeait nécessaire.



Le fait que le mouvement sioniste soit au fond un mouvement colonisateur n’est guère surprenant quand on considère de nouveau le rôle que remplit le sol ou la Terre dans la conceptualisation organique de la nation par le sionisme. Comme la nation est un organisme vivant, un corps comprenant des milliers d’individus, il s’ensuit que la nation ne peut exister si elle est déracinée du sol dans laquelle ses racines doivent creuser. La nature organique de la nation fait que son essence prend racine dans le sol national.



Afin que la nation conserve sa pureté d’esprit elle doit nécessairement s’établir sur sa terre propre et comme la nature de la nation se retrouve dans cette homogénéité ethno culturelle (ainsi l’importance de réanimer l’hébreu comme langue moderne et effacer tout vestige de yiddush qui relève de l’histoire européenne antérieure) il s’ensuit que le sol national ne peut être partagé avec aucune autre nation.



On voit ici le concept du Sang et de la Terre qui marque les fascismes des années trente.



C’est aussi le concept qui soutient la colonisation des terres palestiniennes par les colons juifs ; les prétentions bibliques à un droit sur la Judée et la Samarie n’en sont que la rationalisation. En ceci le sionisme montre les traits classiques du nationalisme organique : l’expérience du contact avec le sol, le besoin de légitimer l’idée du retour au sol exaltent le culte de l’histoire de l’antiquité ; c’est à dire, comme Sternhell nous le rappelle, la conquête de Canaan, la rébellion contre Rome et la sanctification des endroits où les rois d’Israël avaient mené des batailles victorieuses ou s’étaient sacrifiés pour la nation. Ce phénomène n’est pas très différent du phénomène similaire qui existait chez les mouvements nationaux czech , polonais ou allemand du 19e et du 20e siècle.



Cette forme organique du nationalisme a aussi une composante religieuse La conceptualisation organique-culturelle de la nation doit nécessairement inclure la religion, laquelle fait partie intégrante de l’identité nationale. Le nationalisme organique ou intégriste français n’était pas moins catholique que le nationalisme polonais; la religion fut la pierre angulaire de l’unité et de l’identité au-delà des divisions sociales et économiques.



Dans le nationalisme organique tel que le sionisme, la religion a une fonction sociale, laquelle n’a rien à voir avec le contenu métaphysique de la religion. La grande majorité des leaders sionistes voyaient la tradition religieuse comme étant une fin en soi sans aucun lien avec des rituels ou des croyances métaphysiques. Cela nous permet de mieux comprendre la nature séculaire ou non religieuse de l’idée de Judaïsme à l’intérieur du concept sioniste. Le Juif ici n’est plus le mystique, celui qui fonde son identité dans la relation de Dieu avec l’homme, celui pour qui cette relation divine prime même sur l’idée de la nation. Il s’agit du Juif « national » immergé dans la nation organique laquelle a supplanté Dieu.



Bref, on voit dans le sionisme trois des piliers de tout nationalisme organique : primo, que la nation est un organisme vivant dont l’être humain individuel n’est qu’une cellule; secundo, que cet organisme requière un sol national et propre à lui dans lequel s’enraciner; tercio, que la religion, vidée de sa spiritualité, est un facteur nécessaire pour transcender les différences sociales et économiques.



Quant à la nature « socialiste » du sionisme, on peut dire que le socialisme en tant que système de valeurs universelles n’avait aucune signification pour les fondateurs sionistes. Comme le dit Zeev Sternhell, « La détermination des fondateurs de garder le socialisme d’Eretz Israël hors de la sphère d’influence du mouvement socialiste mondial était due à la crainte des implications internationalistes du socialisme et sa doctrine de l’hostilité des classes sociales. »



Elle était due aussi, comme Zeev Sternhell le constate, à la volonté de se protéger contre la méfiance des socialistes envers des soi-disant partis socialistes indûment concernés par la religion, la culture et les origines ethniques. C’est pourquoi le mouvement travailliste en Palestine n’avait rien à dire quand la guerre civile a éclaté en Espagne; il n’était aucunement concerné par les sujets qui ne touchaient pas directement la question nationale. Le concept de la primauté de la nation était fondamental au mouvement travailliste en Palestine et continue de l’être aujourd’hui en Israël. Les fondateurs sionistes considéraient l’autorité qu’exerce la société sur l’individu comme étant l’essentiel du « socialisme », et ils ont adopté ce principe quand ils ont abandonné l’idée de bâtir une société égalitaire. À la lumière de ce constat, il est plus facile de comprendre pourquoi l’Histadrut, cette institution de l’état israélien qui assurait sous Ben-Gourion, la primauté du contenu nationaliste dans le socialisme israélien, primait et sur les individus et sur les unités de la colonisation comme les kibboutz.



En pratique l’individu est obligé d’accepter l’autorité des organisations telle l’Histadrut (ce qui caractérise aussi la nature corporatiste du système féodal au Moyen Âge). Même les institutions comme les kibboutz doivent accepter l’autorité de la « collectivité » - qui est en fait toujours celle d’une petite élite à caractère militaire – par le biais de l’Histadrut. Le socialisme au service de la nation.



Pour conclure, l’analyse des fondements idéologiques du sionisme met en évidence les aspects suivants : contrairement à ceux qui voudraient prétendre que le sionisme constitue un système de pensée unique, le sionisme s’inscrit dans la tradition de la pensée nationaliste de la Droite dans l’Europe de l’est. C’est-à-dire, c’est un nationalisme organique ou intégriste lequel représente l’idée de la collectivité juive comme un entier ethno culturel et religieux clos et immuable. Il est alors de par sa nature, xénophobe comme l’est tout nationalisme organique. Il est aussi de par sa nature un système de pensée anti libéral et contre révolutionnaire. Comme tout nationalisme organique il submerge l’individu dans la notion du collectivisme accablant sans vouloir chercher le juste moyen entre la liberté de l’individu et ses obligations envers autrui.



Bref, à toutes fins pratiques le sionisme nie l’existence du Juif comme individu; le Juif n’existe que pour servir la nation organique. La colonisation de la terre est centrale à son idéologie. On peut aussi constater que le sionisme représente l’élaboration conceptuelle d’une élite qui a réussi à l’imposer sur la masse des Juifs en se servant de la détresse des Juifs et de l’incertitude devant laquelle ils se sont retrouvés beaucoup trop souvent dans l’histoire de l’Europe. Mais on voit dans les critiques du sionisme, surtout en Israël où on parle ouvertement d’un Israël post-sioniste (voir par exemple, Laurence J. Silberstein, The Post Zionism Debates :Knowledge and Power in Israël Culture), que comme système de pensée le sionisme est moribond car il est spécifique à la génération des leaders sionistes qui l’ont fondé, des gens âgés pour la plupart qui craignent maintenant de le voir glisser entre leurs mains. En ce sens Ariel Sharon est l’élément le plus visible et le plus volatile de cette génération de sionistes fondateurs et sa politique de …répression est l’extension logique des éléments du sionisme qui ont été développés sous Ben-Gourion.



On peut comprendre un peu mieux, alors, pourquoi Sharon a choisi de provoquer le Hamas à maintes reprises par des assassinats stratégiques, et surtout au moment où il semblait qu’une trêve allait s’établir , prévoyant ainsi des représailles qui s’ensuivraient contre des civils israéliens. Il s’est servi du Hamas comme outil pour miner toute possibilité d’un processus de paix sérieux, et cela contre la volonté du peuple israélien et au dépens de leur sécurité.



Le mur qu’il fait construire est le symbole par excellence de l’idéologie sioniste : garder le monde externe, l ’ « Autre », à l’extérieur tout en gardant le Juif prisonnier à l’intérieur. De cette façon Sharon fait d’Israël le plus grand ghetto au monde. En fin de compte, la libération du peuple palestinien sera à la fois la libération des Juifs des concepts suffoquants du sionisme. Quoique la souffrance des Palestiniens atteint un niveau inhumain, et cela dans le silence complice de plusieurs média et politiciens, il faut garder à l’esprit que le Juif est aussi la victime du sionisme car le sionisme nie son existence comme individu.



Ceux et celles qui voudraient qu’Israël devienne véritablement un état libéral et que la société israélienne soit une société ouverte doivent reconnaître le fait que l’idée même de l’état libéral démocratique vient de la tentative au 17e siècle de séparer la religion de la politique. L’état libéral démocratique de par sa nature ne peut être que séculaire et pluraliste, un état dans lequel le concept de la citoyenneté et les droits du citoyen et de la citoyenne sont au centre de l’existence collective.



Pour terminer ma présentation, j’aimerais faire un retour de deux mille ans en arrière dans l’histoire, à l’époque où l’Empereur Caligula annonça aux Juifs de Jérusalem qu’il allait faire placer une statue à son effigie, c’est-à-dire le symbole de l’état romain, à l’intérieur du Temple. Les Juifs lui répondirent qu’ils n’accepteraient jamais la présence d’une idole à l’intérieur de leur Temple sacré, même sous peine de mort. C’était le Temple de leur Dieu et non de l’état.




Caligula a envoyé des soldats à Jérusalem avec l’ordre de massacrer les Juifs s’ils refusaient la statue. Par la grâce de Dieu, comme l’ont interprété les Juifs, Caligula fut poignardé à mort par des membres de la Garde prétorienne au Colisée à Rome, et ses soldats retournèrent à Rome. Le Temple de Jérusalem ne fut pas souillé par l’état romain. Deux mille ans après l’événement, le sionisme a voulu prendre la relève de Caligula. Il n’aura pas eu plus de succès.

Source : www.cmaq.net/

 

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