jeudi 12 décembre 2013

Commission parlementaire sur l’inversion de l’oléoduc 9B d’Enbridge - Rapport de Québec solidaire



Commission parlementaire sur l’inversion de l’oléoduc 9B d’Enbridge - Rapport de Québec solidaire

mardi 10 décembre 2013, par Québec solidaire

Le présent rapport vise à rendre compte des constats qui ont émergé des consultations tenues par la commission parlementaire portant sur l’inversion et l’augmentation du débit de l’oléoduc 9B d’Enbridge, entre North Westover et Montréal. La consultation, annoncée le 13 novembre 2013, s’est tenue les 26, 27 et 29 novembre ainsi que les 2, 3 et 4 décembre. Elle avait le mandat d’étudier l’acceptabilité du projet tel qu’il était décrit dans le document « Inversion du flux de l’oléoduc 9B d’Enbridge ».

L’approbation de ce projet relève de l’Office national de l’énergie puisque les oléoducs transfrontaliers sont de juridiction fédérale. Québec solidaire considère toutefois que les problèmes liés aux chevauchements de juridictions constitutionnelles ne doivent pas faire écran sur la nature de cet enjeu fondamentalement politique.

Considérant le lourd bilan environnemental d’Enbridge, notamment avec le déversement de plus de 3 millions de litres de pétrole dans la rivière Kalamazoo, au Michigan, et le manque de transparence de cette compagnie, Québec solidaire considérait qu’elle avait le fardeau de la preuve et une lourde pente de crédibilité à remonter.

À la suite des consultations, la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAPERN) s’est rencontrée pour préparer un rapport, dès le lendemain des consultations. Le rapport de la Commission dresse une liste de recommandations et en vient à la conclusion qu’il faut approuver l’inversion de l’oléoduc 9B.

Québec solidaire tire la conclusion inverse et s’oppose au projet d’Enbridge. Mais au-delà de l’opposition à l’inversion du flux de l’oléoduc 9B en raison des constats qui suivent, le désaccord avec le rapport majoritaire de la CAPERN provient du fait qu’il approuve l’inversion du flux de l’oléoduc 9B sans même exiger le minimum de précautions requises pour assurer la sécurité de la population et la protection de l’environnement et de nos cours d’eau.

En outre, les députés libéraux et péquistes ont refusé d’accepter la demande de la MRC de Vaudreuil-Soulange qui souhaitait que le Québec ne donne pas d’approbation à Enbridge tant que les 125 stations de la ligne 9B, dont la station de Terrebonne où a eu lieu un déversement de 4 000 litres de pétrole en 2011, ne sont pas conformes à la réglementation de l’Office national de l’énergie.

Constats

Sur le processus démocratique

Le ministre de l’Environnement, après avoir promis une « évaluation environnementale sans compromis », a convoqué à la dernière minute une consultation particulière. Cette consultation n’a pas laissé le temps aux intervenants de se préparer et a été menée par des députés qui ne disposaient pas d’expertises technique, scientifique et environnementale.

Le format de la consultation a grandement limité la participation des groupes de citoyens-nes, notamment en raison de l’interférence du cabinet du ministre de l’Environnement qui aurait dit aux groupes concernés qu’il ne restait plus de place en commission parlementaire.

Après avoir annoncé un « préjugé favorable » au projet d’Enbridge, le ministre de l’Environnement a omis de participer au processus d’approbation de l’Office national de l’énergie.

Le mandat de la commission était très restreint et tronqué. Il ne permettait pas d’inscrire l’évaluation de « l’acceptabilité sociale » dans une perspective plus large, notamment la multiplication des projets de pipelines, les enjeux plus larges de sécurité dans tous les types de transport des matières dangereuses, la problématique des changements climatiques et de l’expansion majeure de la production des sables bitumineux et du pétrole de schiste en Amérique du Nord.

Il a été démontré qu’Enbridge et le gouvernement canadien ont négligé de consulter adéquatement les Premières nations.

Sur Enbridge

La compagnie démarrait les consultations avec une crédibilité inexistante et avait donc le fardeau de la preuve de rassurer les membres de la Commission que ses pratiques de l’entreprise ont significativement changé depuis le déversement de Kalamazoo, au Michigan.

La même culture du secret demeure fortement présente malgré le déversement de Kalamazoo : manque de transparence, minimisation des enjeux, banalisation des risques et manque de respect envers la population et les élus locaux.

Enbridge n’a pas été en mesure de démontrer que les mesures de sécurité prises sont suffisantes pour garantir les tests d’intégrité d’une ligne d’oléoduc vieille de 40 ans.

Enbridge et les intervenants entendus ont su démontrer que même si le projet de renversement ne se réalise pas, des modifications majeures devront être effectuées sur la ligne 9B. Les similarités entre les lignes 9B et 6B (Kalamazoo) laissent craindre qu’un déversement majeur ait lieu dès les premières années.

Enbridge n’a pas démontré qu’elle disposait des ressources financières suffisantes pour faire face aux coûts reliés à un déversement majeur et encore moins de quelle manière elle ferait face à de tels événements simultanés.

Sur les retombées et la justification économiques du projet

Les raffineries n’ont fourni aucune démonstration précise de la menace qui pèse sur le secteur pétrochimique québécois. Aucun plan d’affaires n’a été fourni pour justifier le projet.

Aucune étude n’a démontré que le projet permettrait une réduction durable du coût d’approvisionnement en produits pétroliers au Québec et donc de son impact sur la balance des paiements du Québec.

Sur la protection de l’environnement

Les intervenants, notamment les raffineurs, ont démontré que la ligne 9B vise essentiellement à désenclaver l’industrie des sables bitumineux. Les raffineurs du Québec possèdent déjà les infrastructures pour raffiner le pétrole sous forme de brut lourd, de brut léger valorisé et de bitume dilué.

Les raffineurs québécois ont actuellement recours à un pétrole généralement léger et doux. Le changement de la source d’approvisionnement vers du pétrole issu des sables bitumineux ou de pétrole de schiste aurait pour conséquence d’augmenter les émissions globales de GES.

Sur la sécurité

Enbridge n’a pas été en mesure de rassurer la population sur les risques de rupture de son oléoduc et a plutôt mis en lumière le nombre d’infractions commises au cadre réglementaire ; 117 des 125 stations de pompage de la ligne 9B démontrent des irrégularités.

Enbridge n’a pas démontré que le renversement du flux ne réduira pas le transport de matières pétrolières par d’autres moyens, notamment ferroviaire et fluvial.

De nombreuses lacunes existent dans les cadres législatifs et réglementaires canadiens et québécois pour assurer la sécurité de la population.

Conclusions

En raison des lacunes d’Enbridge en matière de sécurité et plus particulièrement les inquiétudes soulevées par la vétusté de ligne 9B, la compagnie n’a pas été en mesure de démontrer l’acceptabilité sociale de son projet.

Recommandations

Recommandation principale

1. Que le gouvernement du Québec s’oppose à tout projet d’inversion du sens d’écoulement de l’oléoduc 9B d’Enbridge et à toute augmentation du débit.

Gestion financière du risque

2. Que le gouvernement du Québec presse le gouvernement du Canada de modifier la Loi sur l’Office national de l’énergie afin d’augmenter les garanties financières exigées aux entreprises qui opèrent des oléoducs et de faire porter la capacité financière à un milliard $ avant même l’inversion de la ligne 9B et l’augmentation des volumes maximaux.

3. Que soit mis sur pied un fonds de prévoyance d’un minimum de un milliard $ pour pallier aux coûts reliés à un éventuel déversement pétrolier ; qu’Enbridge renfloue ce fonds à raison de 0,10 $ par baril de pétrole et que sa gestion soit confiée à une instance indépendante.

Évaluation environnementale

4. Que le gouvernement du Québec mette sur pied un processus d’évaluation environnementale du projet qui couvrira notamment les enjeux suivants :

Le caractère abrasif et la composition du pétrole lourd transporté dans l’oléoduc

Les enjeux de restauration de l’environnement en cas de déversement

Le comportement du bitume dilué dans un cours d’eau avant toute inversion ou augmentation du volume dans la ligne 9B.

L’impact global sur les émissions de gaz à effet de serre du Québec en utilisant une approche « du puits à la pompe »

Gaz à effet de serre et indépendance au pétrole

5. Que le gouvernement du Québec refuse que la ligne 9B transporte des sous-produits provenant des sables bitumineux, qu’ils soient légers ou lourds (bitume dilué, pétrole synthétique) en raison de l’impact environnemental et social qu’aurait la réalisation des projets d’expansion de cette industrie.

6. Pour encadrer un plan de transition vers un Québec sans pétrole et pour s’assurer que cette transition se fasse avec une empreinte carbone minimale, que le gouvernement du Québec instaure une norme sur la teneur en carbone dans les carburants et fixe un objectif de réduction comme l’a fait la Californie.

7. Que le Québec fixe une cible de réduction de la consommation de pétrole dans la prochaine Stratégie énergétique afin de mettre en oeuvre l’engagement du gouvernement de réduire la consommation de 30% d’ici 2020.

Protection de l’eau

8. Dans le but de réduire le temps de réaction en cas de déversement, que des valves manuelles et automatisées ainsi que des capteurs de pression soient installés directement en amont de chaque traverse de cours d’eau, peu importe la dimension de celui-ci.

9. Que soit mise sur pied une commission pour enquêter sur les capacités d’intervention d’urgence du Québec ainsi que les capacités de nettoyage des déversements pétroliers.

Sécurité et intégrité de la ligne 9B

10. Qu’Enbridge se conforme à la règlementation de l’OMÉ pour ses 125 stations de la ligne 9B, dont la station de Terrebonne, où a eu lieu un déversement de 4000 litres de pétrole en 2011.

11. Qu’Enbridge rende publics les rapports d’inspection des 300 sites excavés sur la ligne 9B et les soumette à une contre-expertise indépendante.

12. Qu’Enbridge effectue une inspection interne de la ligne 9B à chaque année plutôt qu’à tous les 5 ou 7 années et ce, afin d’accélérer la détection et la prévention de fuites.

13. Qu’Enbridge augmente le nombre de points d’arrêts sur la ligne 9B afin de réduire l’ampleur des déversements pétroliers qui peuvent survenir.

14. Que l’Office national de l’énergie exige qu’Enbridge couvre intégralement les coûts supplémentaires encourus par les municipalités et villes pour la sécurité civile ; qu’un programme de compensation et de formation du personnel d’intervention soit confié à un organisme public.

15. Qu’Enbridge dépose auprès des services de sécurité publique, incluant les municipalités et le gouvernement du Québec, un plan d’urgence portant sur l’approvisionnement en eau potable pour des centaines de milliers de personnes, d’en assurer la mise à jour annuelle et de prévoir un fonds d’urgence à cet effet.

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