jeudi 21 mai 2015

PKP, un appel au ralliement qui a des odeurs d’un appel au reniement.


Bernard Rioux remet les pendules à l'heure aux péquistes



PKP, un appel au ralliement qui a des odeurs d’un appel au reniement. 



mardi 19 mai 2015, par Bernard Rioux

Pierre Karl Péladeau est maintenant le chef du Parti québécois. Son premier geste à l’Assemblée nationale a été d’offrir sa collaboration au chef des fédéralistes québécois sur le terrain économique. Il ne l’a pas dénoncé comme le grand saccageur des services publics, comme le dirigeant des attaques contre la majorité populaire. Non, il lui a offert sa collaboration « pour jeter les bases d’une véritable politique économique. » Il a appelé à une concertation sociale avec un des représentants les plus serviles du capital. Il n’a pas parlé de la nécessité d’en finir avec les politiques d’austérité. Son parti défendait une politique similaire alors qu’il était au gouvernement il y a quelques mois à peine. Il n’a pas dit mot sur la nécessité de refuser le tournant pétrolier. Il partage en ce domaine également nombre de choix du gouvernement. Dans ce cadre, les appels de PKP au ralliement des indépendantistes à s’unir dans la coalition péquiste autour d’un projet d’indépendance sans contenu a tout du piège mortifère et une réponse positive à cet appel constituerait un reniement de tous les combats que devra mener la majorité populaire pour faire face à l’offensive actuelle des possédants et pour construire un véritable front populaire pour l’indépendance au service du peuple québécois.

D’une course jouée d’avance à la danse des vassaux

Pierre Karl Péladeau a remporté la course à la direction du Parti québécois (PQ) au premier tour avec 58 % des votes. C’est n’est pas un balayage, mais c’est un ralliement majeur autour de lui. Alexandre Cloutier, un jeune moderniste qui proclamait sa volonté de réforme du parti et de ses politiques, a obtenu 29%. Martine Ouellet n’a obtenu que 13 % des voies. Elle prétendait défendre la tradition sociale-démocrate et verte du parti et se montrer la plus résolue et la plus claire face à la stratégie employée pour accéder à l’indépendance, soit le référendum dans un premier mandat. Les syndicalistes qui s’étaient rangés derrière elle ont dû faire le constat que la vaste majorité du Parti québécois ne se reconnaissait pas dans ses propositions.

Pourtant, Alexandre Cloutier comme Martine Ouellet, l’un et l’autre fort préoccupé de leur avenir sans doute, se sont hâtés de se rallier dès l’instant de la proclamation des résultats au gagnant. Ces deux candidatEs n’ont pas discuté avec leurs partisans sur l’attitude à adopter, ce qui aurait été un geste démocratique pourtant élémentaire. Ils ont de fait reconnu qu’il fallait désormais ramper devant le chef pour assurer son avenir politique. Bernard Drainville, lui, avait déjà "compris" les nouvelles conditions de sa survie politique. Jean-François Lisée, qui avait eu l’outrecuidance de présenter Pierre-Karl Péladeau comme une bombe à retardement pour le PQ, découvrait maintenant des convergences avec le nouveau chef qu’il n’avait pas su percevoir avant le moment fatidique de son élection. Cette danse étrange des vassaux et des courtisans avait quelque chose de pathétique.

Même le SPQ Libre, qui avait partagé son soutien entre Bernard Drainville et Martine Ouellet et qui n’avait pas hésité à présenter PKP comme un antisyndicaliste notoire se demande encore quelle attitude va prendre le nouveau chef face aux droits des travailleurs et des travailleuses du secteur public. Qu’elle sera la leur devant PKP ? Ce chien de garde des valeurs de gauche au sein du PQ, comme il se définit lui-même, semble passablement édenté.

Et pourtant, elle lui a coûté bien peu cette victoire. Le mépris antidémocratique face aux débats a été la marque de commerce de PKP. Il a refusé de répondre aux questions concernant les droits des travailleurs et des travailleuses. Il a refusé de dire ses intentions face à la modernisation de la loi antiscab et sur l’accès à la syndicalisation. Face aux politiques d’austérité, il a gardé un silence complice. Il a présenté l’exploitation pétrolière comme un atout pour le Québec. Il est le seul candidat à ne pas s’être opposé à la construction du pipeline d’Énergie Est. Pire encore, sur la question nationale elle-même, il a refusé de présenter une quelconque stratégie pour la lutte pour l’indépendance. Il a demandé une confiance aveugle. Il l’a obtenue.

Sens et fondement de la victoire de PKP

Comment expliquer ce ralliement de la majorité du membrariat de ce parti à PKP ? Ce ralliement a été construit. Il a d’abord été construit par les ex-ministres et les députéEs. Pierre Karl Péladeau à leurs yeux à cause de sa notoriété et de son prestige économique et social offre au PQ la possibilité de se présenter de nouveau comme un candidat crédible au pouvoir.

En ouvrant cette possibilité, PKP permet de se poser comme un Bonaparte aux dessus des fractions capables de masquer les nombreuses fractures qui traversent ce parti de part en part. Fracture entre les partisans de la gouvernance souverainiste et les indépendantistes qui rejettent cette gouvernance souverainiste qui a été imposée par la direction Marois, et qui voient dans la tenue du référendum sur l’indépendance du Québec une perspective nécessaire et urgente. Fracture entre un courant qui cherche à exacerber une approche identitariste où les QuébécoisEs de souche sont le coeur de la nation et les secteurs du parti qui perçoivent la nécessité d’une approche qui favorise l’enracinement égalitaire des nouveaux arrivantEs dans la société québécoise comme moment du dégagement d’une nouvelle identité québécoise basée sur la diversité du peuple québécois. Fracture entre le courant social-démocrate qui croit qu’il faut protéger des liens harmonieux avec les organisations syndicales et ceux qui défendent que le Parti québécois va se construire à droite en reprenant à son compte les politiques néolibérales que défend le PLQ et la CAQ. Fracture entre des miliantEs environnementalistes, qui souhaitent que le Québec organise sa sortie du pétrole et le développement des énergies vertes et les tenants d’un « réalisme économique » à courte vue qui tout en maniant la rhétorique sur le développement durable, font de l’exploitation pétrolière un atout pour le Québec.

La démission de députéEs du PQ (Curzi, Aussant, Lapointe, Beaudoin) en juin 2011 a bien illustré la réalité de ces fractures. Comme l’a déclaré Lizette Lapointe : « Le Parti québécois que je quitte, c’est celui de l’autorité outrancière, d’une direction obsédée par le pouvoir.

L’atmosphère est devenue irrespirable. »Il a suffi que les élections se pointent à l’horizon pour que les membres du PQ se rallient pour une nouvelle lutte pour le pouvoir... Mais le ralliement de la direction et de l’appareil a permis de porter au pouvoir qu’un gouvernement minoritaire à la recherche éperdue d’approbation de la part des élites économiques. Le gouvernement péquiste s’est empressé alors de répondre positivement aux pressions du patronat : reprise de l’objectif du déficit zéro, abandon de toute réforme sérieuse visant l’équité fiscale, recul sur les augmentations des redevances sur les richesses naturelles, tergiversations multiples sur la question de la lutte pour l’indépendance qui ont favorisé la construction du parti de l’abstention qui a fait son oeuvre en provoquant sa défaite électorale... Cette défaite désastreuse correspondait à un effritement considérable du bloc social nationaliste autour des fractures mentionnées. Ce que la course a démontré c’est que ces fractures n’ont pu être dépassées par des débats de fonds et par une élaboration de perspectives nouvelles et que l’ensemble des positions porteuses de véritables transformations sociales était maintenant marginal au sein de ce parti.

La majorité obtenue par Pierre Karl Péladeau illustre le fait que sur l’ensemble de ces débats de fond la majorité des péquistes suit sa direction et particulièrement ses élus (ex-ministres et députéEs) qui dominent entièrement ce parti. L’élection de PKP est non seulement la consécration de cette domination des élites nationalistes et des professionnels de la politique au sein du PQ, mais également, constitue le ralliement à une série de choix stratégiques. Ce que Pierre Karl représente, c’est l’acceptation d’en finir avec le keynésianisme d’opposition et de campagne électorale et de dénier superbement la réalité des contradictions qui traversent le parti sur la question nationale par un discours qui se limite à appel à une indépendance sans contenu et sans stratégie pour y parvenir. La victoire de PKP à la chefferie du PQ campe le PQ comme un parti de centre droit tant dans l’opposition qu’au gouvernement.

Un appel au ralliement à PKP a des odeurs d’appel au reniement des valeurs de la gauche et d’un projet d’indépendance pour la majorité populaire.

Le ralliement dans ces conditions est un reniement essentiel. Comme l’écrit Frédéric Lordon, être de gauche, c’est refuser la souveraineté du capital. [1] Soutenir PKP, c’est accepter cette souveraineté en lieu et place de la souveraineté populaire. Les pitoyables lettres de Paul Piché et de Pierre Paquette sont révélatrices à cet égard. Les ralliés inconditionnels au règne de PKP refusent de voir que les propositions de la droite sont des propositions visant la défense de ses privilèges. C’est la droite qui refuse de payer sa juste part et qui place son argent dans les paradis fiscaux. C’est la droite qui fait pression pour la privatisation des services publics. C’est la droite qui refuse de lier la lutte contre les changements climatiques à une lutte contre les intérêts capitalistes des secteurs pétroliers. C’est la droite qui accepte la criminalisation des oppositions et la marginalisation du mouvement syndical. Appeler au rassemblement de la gauche et de la droite c’est appelé au reniement de nos convictions et de nos combats. C’est refuser d’identifier quels sont les agents et les obstacles à nos volontés de transformation sociale et de libération nationale.

Malgré leurs prétentions de se situer à gauche, ils refusent d’aborder avec lucidité les questions essentielles qui sont devant les indépendantistes :

Comment construire un Québec indépendant, écologique et démocratique ? Pourquoi est-il important de ne pas laisser aux technocraties et autres politiciens la définition de notre projet de pays, mais de le confier au peuple québécois lui-même ?

Doit-on chercher à construire un Québec indépendant sans se poser les façons d’en finir avec la société patriarcale ?

Quelle est la place de la majorité populaire doit-elle occuper dans la lutte pour l’indépendance et pourquoi est-il nécessaire de donner toute sa place à la perspective de souveraineté populaire ?

Pourquoi ne doit-on pas séparer la lutte pour l’indépendance de la lutte pour une société écologique et égalitaire ?

Et lorsque l’on cherche à répondre à ces questions, il devient clair qu’il faut reconstruire une nouvelle alliance populaire pour l’indépendance ? Que ce nouveau bloc se construira à partir de la majorité populaire, du renforcement de ces organisations et de ces combats sur les terrains social, écologique et national contre le 1% et leurs alliés.

Notes

[1] Frédéric Lordon, La gauche ne peut pas mourir, Le monde diplomatique, septembre 2014


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