mardi 22 décembre 2015

Le monde sont « ben mélangés »


Francis Lagacé nous parle de notre société


Le monde sont « ben mélangés » 

                       (chronique enjouée sur l’air du temps)

22 décembre 2015

Est-ce l’inculture politique ? Est-ce la confusion du discours officiel ? Est-ce l’effet du tout au divertissement ? Toujours est-il qu’on en entend des vertes et des moins mûres quand il s’agit de savoir ce qu'est un comportement de gauche.

Je passerai rapidement sur l’inénarrable Jeff Fillion et sa déclaration radiophonique à l’effet que le Front national véhiculait des idées de gauche. Je me concentrerai sur d’étonnants et surréalistes échanges auxquels nous donne droit la fréquentation des réseaux sociaux. On se retrouve parfois associé à des discours dont l’étrangeté ferait pouffer si elle ne révélait une indigence conceptuelle alarmante.

Quand on est de gauche, on se fait souvent reprocher de citer Lacordaire, libéral s’il en est, parce qu’il a écrit : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. » On nous réplique : « Justement, c’est un libéral qui croit aux vertus du libéralisme économique. »

Il faut pourtant répondre : Oui, justement, c’est un libéral, qui croit que le libéralisme a besoin de freins comme toute activité humaine et, donc, s’opposerait tout à fait à la déréglementation, car il croit que la loi divine doit être reflétée sur terre par la loi humaine. Ce n’est pas un partisan du socialisme, mais il va dans le sens d’une réglementation. Il le fait pour des raisons morales alors qu’on l’invoque pour des raisons de justice sociale.

De la même manière, la fameuse théorie de la main invisible d’Adam Smith n’est pas une théorie en faveur du libre marché total, c’est en fait la constatation que si les marchands nationaux suivaient leur penchant, c’est-à-dire favoriser l’économie locale, les avantages pour l’ensemble de la nation seraient meilleurs que s’ils commerçaient à tout venant avec l’étranger. On a donc fait dire à Adam Smith le contraire de ce qu’il voulait alors qu’il favorisait une réglementation des échanges dans son essai sur la richesse des nations.

Bon, ça peut sembler bien théorique tout ça. Mais le concret est parfois très déconcertant quand on se fait dire par un correspondant sur Face de bouc qu’on devrait être pour les marchés financiers (la bourse) si on est de gauche parce que ça favorise la participation d’un grand nombre au lancement d’entreprises. Comme si l’entrée en bourse n’était pas aujourd’hui le fait des riches qui cherchent à garder le contrôle de leur avoir tout en répartissant les risques sur le plus grand nombre. Comme si la bourse ne servait pas surtout à spéculer.

Tout aussi surprenants sont ces correspondants qui nous vantent des entreprises dites collaboratives (Über, AirBnB) qui n’ont d’autre but que de faire des profits rapides en court-circuitant les réglementations locales sans assurer de garanties fiables et éprouvées.

Et il y a ce correspondant furieux qui m’accusa de tartufferie quant à mes positions solidaires sous prétexte que je refusais de faire la promotion de ses projets commerciaux sur ma page Facebook.

Et encore un autre qui citait Marx à contresens pour dire que produire de la valeur et créer de la richesse devrait me rallier puisque j’étais de gauche, alors que « créer de la richesse » est une expression tout ce qu’il y d’absurde, car la richesse n’est qu’une unité de mesure, donc une chose abstraite. Les gens qui s’enrichissent ne créent pas plus de richesse que les gens qui agrandissent leur terrain ne créent d’espace.

Et pour finir, en cette saison des guignolées et des fondations si généreuses, on prétend faire œuvre de transformation sociale en favorisant cette charité privée qui chante la gloire des supposés mécènes et réduit les pauvres à des faire-valoir dont on a la chasse-gardée parce qu’on ne veut pas « se laisser voler ses pauvresses » comme le chantait Brel dans La dame patronnesse et qu’on surveille parce que, vous savez, « j'ai dû rayer de ma liste une pauvresse qui fréquentait un socialiste Et un point à l’envers et un point à l’endroit Un point pour saint Joseph un point pour saint Thomas ».

Là-dessus, je vous souhaite de passer un temps des Fêtes à votre goût : avec ou sans l’orgie de cadeaux, avec ou sans la famille qui pèse ou qui réchauffe, mais surtout avec la paix et l’humanité.

Que l’année 2016 vous trouve sereinEs, déterminéEs et prêtEs au combat pour la justice sociale !

LAGACÉ, Francis

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