dimanche 3 janvier 2016

Brèves considérations sur l’intelligence et la vertu


Parlons intelligence et vertu avec Francis lagacé


Brèves considérations sur l’intelligence et la vertu 

3 janvier 2016

Il est désolant de constater que certaines personnes aient besoin de la menace de châtiments horribles administrés par des dieux vengeurs et, en compensation, de la promesse de délices attribuées seulement après leur mort pour pouvoir agir conformément à la « vertu », qu’on se contentera ici de faire équivaloir à la justice et à l’honnêteté.

Il n’est aucune personne intelligente qui ne sache que le meurtre, le vol, la torture, le viol et autres crimes de même nature sont condamnables non pas parce qu’ils font de la peine au Petit Jésus, mais tout simplement parce qu’ils constituent une injustice et un manque de respect envers les autres êtres humains, lesquels sont par droit et par nature égaux. C’est l’intelligence qui nous le dit, et le concours de la religion ne rend en rien ces actes moins désirables (c’est parfois, hélas, le contraire).

Nulle part toutefois, cela n’est mieux dit que chez Spinoza dans la quatrième partie de son Éthique, intitulée « De la servitude humaine ». C’est pourquoi il convient de le citer ici : « À l’homme, rien de plus utile que l’homme; les hommes, dis-je, ne peuvent rien souhaiter de supérieur pour conserver leur être que d’être tous d’accord en toutes choses, de façon que les esprits et les corps de tous composent pour ainsi dire un seul esprit et un seul corps, et qu’ils s’efforcent tous en même temps, autant qu’ils peuvent, de conserver leur être, et qu’ils cherchent tous en même temps ce qui est utile à tous. D’où suit que les hommes qui sont gouvernés par la Raison, c’est-à-dire les hommes qui cherchent sous la conduite de la Raison ce qui leur est utile, ne désirent, rien pour eux-mêmes qu’ils ne désirent pour les autres hommes, et par conséquent sont justes, de bonne foi et honnêtes. »

En conséquence, on mettra en doute la supposée intelligence des gens qui choisissent volontairement d’être nuisibles. On dira qu’ils sont habiles, mais certes pas intelligents s’ils ne comprennent pas ce qui est le mieux. On citera à nouveau Spinoza à propos de l’esprit et du comprendre : « L’esprit, en tant qu’il fait usage de la raison, ne désire rien d’autre que comprendre, et ne juge pas qu’autre chose lui soit utile, sinon ce qui conduit à comprendre. » Cela est garant de la tranquillité d’esprit comme l’attitude même de l’illustre penseur le démontre.

Choisir de détourner la nature à ses fins égocentriques, c’est embarquer dans la lutte de chacun contre chacun et de tous contre tous, qui conduit inéluctablement à l’inquiétude permanente, position du dictateur par exemple. Celui qui se hisse à ce niveau n’apparaît donc pas faire preuve d’intelligence, mais plutôt d’habileté.

Vous connaissez peut-être de ces personnes qui, incapables de comprendre le théorème de Pythagore, sont pourtant dotées d’une mémoire phénoménale et qui, donc, ne répéteront jamais une même erreur. Elles sont véritablement redoutables à l’instar des Borg de la série Star Trek, the next generation. Leur absence totale d’empathie est, il faut le comprendre, une preuve de plus de leur manque d’intelligence et une preuve de plus de leur extraordinaire habileté.

L’aspiration à gouverner ne semble pas, sous cet éclairage, faire partie des conséquences de l’intelligence. Non pas que le gouvernement soit étranger à qui comprend plus et mieux, mais on pourra dire de ces personnes qu’elles l’exerceront par nécessité et non pour le pouvoir en soi.

On a souvent associé l’innocuité au manque de cervelle et la dangerosité à la puissance de l’esprit. L’expression populaire ne disait-elle pas « Trop innocent pour penser à mal ». En fait, l’innocent peut penser à mal ou à bien, mais dispose de peu de moyens pour comprendre ce qu’il fait réellement, c’est pourquoi comme dans les Malheurs de Sophie, il peut faire mal en pensant bien faire ou faire bien en pensant mal faire. Toutefois, la personne vraiment brillante ne perd pas son temps à imaginer des pièges pour les autres, c’est pourquoi vous voyez souvent de vos amiEs très intelligentEs se faire jouer des tours par de vos amiEs qui le sont moins, étant entendu qu’une personne très intelligente et très empathique n’imagine pas qu’on pourrait lui tendre un piège si grossier puisqu’il est visible. Il ne faudrait pas en conclure que les personnes intelligentes ne jouent pas de tours aux personnes qui le sont moins, mais disons qu’ils seront plus subtils, plus brefs et, peut-être, moins risqués, peut-être...

C’est aussi à juste titre qu’on a détaché le terme savant de la série des expressions désignant les personnes qui réfléchissent, car on peut être fort savant sans rien comprendre de ce qu’on récite. Longtemps, l’expression « être savant » a été synonyme d’« être intelligent », ce qui n’est pas du tout la même chose. Il est certain que la personne intelligente qui a en plus une excellente mémoire dispose d’un grand avantage pour elle-même et pour ses proches et, en général, elle en fait effectivement bénéficier tout son entourage. D’ailleurs dans les écrits sur les personnes à très haut potentiel, on souligne régulièrement qu’une intelligence très élevée s’accompagne d’une capacité d’empathie également très élevée.

Ainsi nous bouclons notre boucle en rappelant que c’est par la compréhension qu’on s’intéresse à la justice et à l’honnêteté et que les menaces ou les promesses des dieux des trois grandes religions sont bien plus propres à nous éloigner de la vertu qu’à nous en rapprocher puisqu’elles enseignent à réprimer l’accomplissement d’actes répugnants même s’ils semblent désirables alors que la raison nous conduit tout naturellement à trouver odieux les actes répugnants et à aimer tout naturellement la vertu, c’est-à-dire la justice et l’honnêteté, comme hautement désirable pour elle-même.

LAGACÉ, Francis

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