lundi 10 septembre 2018

Environnement : l'heure des ruptures


Parlons environnement avec Francis Lagacé


Environnement : l'heure des ruptures 

8 septembre 2018

Certes, nous sommes complices dans la détérioration galopante de la planète, notre unique vaisseau actuellement en train de flamber dans la tempête. À notre décharge, il faut tout de même constater que nos comportements sont conditionnés par quantité de paramètres que nous n'avons pas choisis consciemment.



La population générale n'a jamais demandé le matraquage publicitaire qui présente les gros véhicules polluants comme la phase ultime du bonheur, de la même façon que les fumeurs ont été trompés pendant des décennies sur les méfaits du tabac.



Ce n'est pas la population générale qui a inventé :



1. l'obsolescence programmée ;



2. le suremballage ;



3. la fausse concurrence qui multiplie à l'infini les diverses versions d'un même produit ;



4. l'introduction du sucre dans tous les aliments pour en diminuer le coût, en réduire la sensation de satiété véritable et surstimuler la faim ;



5. la surutilisation de l'huile de palme ;



6. la généralisation des concours, lesquels surstimulent la consommation et produisent l'effet de mode ;



7. ... Vous pouvez compléter la liste, elle est interminable.



Pour vous rappeler comment l'illusion du « choix des consommateurs » est une belle arnaque, je vous suggère la lecture de mon billet C'est ça que le monde veut ! paru le 5 mai 2007.



Certes, nous pouvons changer nos comportements de consommateurs, mais même l'adoption de la simplicité volontaire par la majorité des citoyenNEs consommacteurs-trices ne suffirait pas, car ce sont les effets systémiques à la fois du mode de production (le capitalisme) et du mode de consommation (les conditionnements ci-haut mentionnés) qui détruisent notre monde et font mourir de plus en plus de gens pendant qu'ils en font migrer beaucoup d'autres pour fuir les inondations et autres cataclysmes provoqués par les changements climatiques humainement induits, sans rien dire des guerres entretenues pour s'accaparer les ressources de toute sorte, dont l'eau sera bientôt, sinon déjà, la plus importante.



C'est pourquoi nous en sommes renduEs à l'heure des ruptures. Pas le temps, pas la saison, mais bien l'heure, car des changement radicaux s'imposent immédiatement. Pas pour inverser le cours des choses, mais pour limiter les dégâts en espérant que nos descendantEs sauront mieux vivre que nous, sinon il n'y aura tout simplement pas de descendantEs. Pas la rupture, mais les ruptures, car il faut abandonner les énergies fossiles, la croyance déraisonnable et complètement irrationnelle en la croissance et, surtout, le capitalisme, qui est proprement mortifère.



C'est pourquoi le cri du cœur de Nicolas Hulot est si important. Quand on entend des gens comme Steve Guilbault dire qu'il lui aurait conseillé d'essayer encore plus longtemps de faire de petits changements pour améliorer la situation, on se rend bien compte que de nombreux « environnementalistes » ne comprennent pas la nature du problème et tombent dans le piège des petits pas. Le « capitalisme vert » est au mieux une contradiction dans les termes et, au pire, une arnaque proposée par l'oligarchie. Cette dernière n'a cure de la destruction du monde puisqu'elle prévoit s'en tirer grâce au post-humanisme, sa dernière fuite en avant comme je l'expliquais dans le billet du 22 août 2017.



Quand on voit des sympathisantEs de l'environnement leurrés par les techniques de marketing du genre de la « tarification dynamique », ces oripeaux fleuris qui servent à habiller la modulation des tarifs, une technique destinée aux plus favorisés leur permettant de consommer moins en période de pointe pour consommer plus et à rabais dans les périodes creuses, on voit qu'elleux n'ont pas compris que décaler la consommation n'est en rien la réduire, on voit qu'elleux ne savent pas que la bourse du carbone n'est qu'une façon d'autoriser les plus grands pollueurs à polluer davantage en prétendant utiliser le droit de polluer de celleux qui ne le font pas actuellement.



Ni la « consommation responsable », cette illusion individualiste, ni la bourse du carbone, ni même la taxe sur le carbone, facilement refilable au consommateur, ne sauveront la planète. Seules les ruptures radicales le feront :



1. Rupture avec le mode de production actuel. La solution à la production industrielle actuelle consiste à faire ce que je proposais déjà dans une lettre datée de 1977 à celui qui n'était alors que ministre délégué à l'Environnement (Marcel Léger), car l'Environnement n'était pas encore un vrai ministère, c'est-à-dire de traiter à la source la restitution des sols dans le même état qu'on les a trouvés à l'origine et de prévenir les émissions de pollution en traitant les rejets de façon telle qu'ils soient inoffensifs. Cela signifie une conception radicalement différente de la production, des changements radicaux dans la forme et la disponibilité des produits et une rupture brutale avec nos habitudes.



2. Rupture avec le capitalisme, car comme le dit Jean Ziegler dans une entrevue à Libération le 1er septembre 2018 : « On ne peut pas humaniser, améliorer, réformer un tel système. Il faut l’abattre. Aucun des systèmes d’oppression précédents, comme l’esclavage, le colonialisme, la féodalité, n’a pu être réformé. L’oppression ne se réforme pas. »



3. Rupture avec la croissance. Les fameux hommes d'affaires (car ce sont surtout des hommes), les fameux politiques, qui prétendent parler au nom du pragmatisme et de la rationalité, sont complètement irrationnels et déraisonnables, car ils rejettent du revers de la main une constatation simple et pourtant accessible à tout enfant arrivé au stade de la logique formelle (11 ou 12 ans) : on ne peut pas produire à l'infini avec de la matière finie.



Si nous voulons que cette Terre, que nous avons empruntée à nos enfants, puisse leur être rendue, c'est l'heure des ruptures.

LAGACÉ, Francis

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