mardi 8 mars 2016

Wana, ville irakienne à l'ombre du barrage le plus dangereux du monde


Parlons de Wana



Wana, ville irakienne à l'ombre du barrage le plus dangereux du monde 

lundi 7 mars 2016

Les habitants de la ville irakienne de Wana alternent entre anxiété et scepticisme à l'idée que leur cité puisse être engloutie en quelques minutes si le barrage de Mossoul venait à rompre.
Située à dix kilomètres en aval du plus grand barrage d'Irak, sur le Tigre, Wana serait la première ville touchée par un mur d'eau en cas de rupture de cette infrastructure dont l'état général inquiète grandement les autorités irakiennes et l'armée américaine.
Une brèche majeure dans cet édifice de 113 mètres de haut lâcherait des millions de mètres cubes d'eau qui pourraient former une vague haute de 15 mètres, estiment certains experts. La vie suit pourtant son cours à Wana, une ville de 10.000 habitants où les enfants jouent librement et les vaches paissent sur les rives du Tigre, même si les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) ne sont pas loin.
Certains résidents ont choisi de faire confiance aux autorités locales, moins alarmistes que le gouvernement central et les Américains.
"Nous nous basons sur des experts irakiens qui nous disent qu'il n'y a pas de risque de rupture, que ce n'est que du battage médiatique", explique Fadhel Hassan Khalaf, un fonctionnaire de 52 ans qui se souvient de la construction du barrage au début des années 80.
L'ambassade des Etats-Unis à Bagdad a récemment indiqué qu'en cas de rupture du barrage ce sont entre 500.000 et 1,5 million d'Irakiens qui pourraient périr s'ils n'étaient pas évacués à temps.
A Mossoul, deuxième ville du pays tenue par l'EI depuis près de deux ans, et à Tikrit (à plus de 200 km au sud du barrage), les habitants devront s'écarter à cinq ou six kilomètres des rives du Tigre pour se mettre en sécurité, selon un scénario d'évaluation des risques publié par l'ambassade américaine.
Le barrage, qui approvisionne en eau et en électricité la majeure partie de la région de Mossoul et permet l'irrigation de vastes zones de culture dans la province de Ninive (nord), avait été qualifié de "plus dangereux du monde" par des ingénieurs de l'armée américaine en 2007.


- 'C'est impossible' -
Opérationnel depuis 1984, il a été construit sur un sol de gypse et de calcaire qui s'érode au contact de l'eau, ce qui a pour effet de creuser des cavités dans ses soubassements. Depuis, les autorités ont essayé de consolider ses fondations en injectant du ciment dans le sous-sol.
"Si le barrage devait s'écrouler, ils nous auraient dit de partir, c'est impossible qu'ils puissent ne pas nous le dire", veut croire Bachir Ismaïl, 63 ans, propriétaire d'une petite épicerie dans l'artère principale de Wana.
Mais Zyad Saeed semble moins sûr. "Je ne vais pas vous mentir, explique ce jeune homme, nous avons très peur du barrage et beaucoup d'habitants réfléchissent à partir vers le Kurdistan (région irakienne autonome proche de Mossoul, ndlr)".
"Je ne sais pas quoi faire, on a Daech (acronyme en arabe de l'EI) d'un côté et de l'autre, ce barrage qui peut s'écrouler", ajoute-t-il en regardant le fleuve.
Le temps presse pour la compagnie italienne Trevi, qui a signé un contrat de 300 millions de dollars (273 M EUR) avec le gouvernement irakien pour consolider la structure. Notamment parce que la pression sur le barrage augmente en cette saison à cause de la fonte des neiges. Son état aurait empiré depuis l'offensive de l'EI en 2014, qui avait mis un terme aux opérations de maintenance pour un temps, même si le responsable adjoint du barrage assure le contraire. "Quand le barrage a été repris à Daech (qui l'a brièvement contrôlé en 2014, ndlr), nous avons effectué des tests sur les fondations et rien ne nous a indiqué que la structure était fragilisée", affirme à l'AFP Mohsen Hassan.
Pour Bagdad, cette menace singulière complique en tout cas les plans échafaudés pour tenter de reprendre Mossoul aux jihadistes.
Si le Premier ministre irakien Haider al-Abadi affirme prendre au sérieux les avertissements américains, le maire de Wana, Ali Mohamed Saleh, soutient pourtant que le gouvernement central n'a pas encore mis en place de plan officiel d'alerte ou d'évacuation.
"De toute façon, si le barrage rompt, nous ne survivrons pas", dit-il, fataliste.


(07-03-2016 - Avec les agences de presse)


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