mercredi 22 mars 2017

Porte-parole ou chef, loin d’un choix anodin, une conception de la souveraineté populaire dans le parti et dans le pays. 


Voici un texte de Bernard Rioux qui explique pourquoi Qs n'a pas de chef :



QUÉBEC

Porte-parole ou chef, loin d’un choix anodin, une conception de la souveraineté populaire dans le parti et dans le pays. 




mardi 21 mars 2017, par Bernard Rioux

L’élection de co-porte-parole à Québec solidaire n’est pas assujetti à la loi électorale. Un co-porte-parole ne n’est pas un chef opine le Alexandra Reny au nom du Directeur général des élections du Québec (DGEQ). Pour la ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Rita de Santi, Québec soldiaire joue sur les mots et elle affirme qu’en jouant sur les mots Québec solidaire s’autorise à déroger à la loi électorale et qu’elle envisage de modifier la Loi afin de clarifier cette situation. Il y a bien un enjeu juridique formel à cette affaire. Mais, au-delà de ce type d’enjeu, il y a des fondements politiques à ce rapport à nos porte-parole qui méritent d’être explicités, car ils sont importants.

Le statut de chef dans les partis politiques dominants

Dans les partis politiques de la classe dominante, le chef (ou beaucoup plus rarement la cheffe) règne en maître. Philippe Couillard a le contrôle absolu de son parti. Les oppositions et divergences doivent se murmurer dans le secret de rencontres huis clos où il a le pouvoir de trancher et de conclure les débats. Jean Charest avait la main haute sur son parti. Comme chef du Parti libéral du Québec (PLQ), ail a obtenu l’appui de 97,2 pour cent des délégué-e-s libéraux dans un vote de confiance. On se souviendra que Bernard Landry avait cru bon de démissionner en 2005 suite à un vote de confiance qui avait tout de même atteint les 76%. Pauline Marois avait obtenu de confiance de 93,08% au 16e congrès du PQ en 2011, ce qui n’avait pas empêché dans la même année le PQ de rentrer en crise. En fait, le chef d’un parti, une fois élu, dans le cadre d’institutions de type britannique est le futur chef de gouvernement, le premier ministre. Comme premier ministre, il concentre tous les pouvoirs. Il est le boss. Il représente le souverain. [1]

Le vote de confiance et souveraineté royale !

Le chef politique dans notre système politique dirige le parti. Il impose son pouvoir. Il peut s’associer ou se dissocier du programme adopté par les militant-e-s. Tel est le sens du vote de confiance. Ce vote de confiance est une cérémonie qui consacre la souveraineté du chef dans son parti. Et cette souveraineté est au-dessus de la démocratie dans le parti. Le pouvoir du chef, c’est le pouvoir de défaire ce que les membres du parti ont construit ! Ce vote est le renoncement en dernière instance du pouvoir des membres sur les orientations du parti.

C’est ainsi qu’André Boisclair s’est permis de mettre côté le programme adopté de juin 2005 par sa feuille de route provinciale élaborée dans les officines du chef. Mieux encore, Pauline Marois faisait du rejet de pans entiers du programme adopté en 2005 par l’ensemble des membres, la condition de son acceptation du poste de cheffe du Parti québécois. Elle n’a d’ailleurs pas entendu un congrès du parti pour rejeter ce programme. Elle a conclu l’opération dans un Conseil national. Jean-François Lisée est arrivé à la chefferie avec son programme et le report du référendum à 2022 est maintenant devenu le point central du discours péquiste. Les décisions du prochain congrès sur les propositions de son chef seront perçues comme un vote pour le programme défendu par le chef du parti… Un rejet signifierait un vote de censure induisant une spirale de crise dans le parti. Ce rapport au parti est la traduction à ce niveau du rapport du Premier ministre à son gouvernement.

Au parlement ou au gouvernement, toujours au-dessus du parti !

Et quand, il devient un parti de gouvernement, le Premier ministre et les ministres s’autonomisent de leur parti jusqu’aux prochaines élections. C’est ce qui explique toutes ces résolutions adoptées par les congrès restent lettres mortes et qu’une politique néolibérale est menée une fois au pouvoir par un parti qui prétend haut et fort, surtout durant les périodes électorales, défendre l’État social. N’est-ce pas l’histoire du Parti québécois ?

La base militante du Parti se transforme alors en instrument docile des parlementaires et se dégrade jusqu’à l’état de base sans pouvoir qui trotte derrière le chef ou la cheffe comme simple faire-valoir.Cette base, victime de sa confiance aveugle, elle n’a pas la force de faire triompher sa volonté.

La position de Québec solidaire sur les porte-parole s’appuie sur une tout autre logique !

Comme parti de gauche, QS s’appuie sur les couches subalternes de la société. Ses couches constituent la vaste majorité de la population. Son action est de défendre becs et ongles les intérêts de la majorité populaire. Il cherche et prend les moyens pour lui redonner cette parole que les couches dominantes n’ont eu de cesse de lui enlever. Mais cela n’est possible pour un parti que dans la mesure, où un fonctionnement radicalement démocratique s’y est généralisé. C’est pourquoi une compréhension profonde des conditions de l’entrée dans l’action politique de ces couches subalternes est une condition indispensable de la remise en question de leur assujettissement et de l’efficacité du politique pour remettre en question les bases idéologiques et sociales du pouvoir dominant.

Pour QS, l’opposition entre les chefs et une majorité suiviste se doit d’être abolie. Le rapport entre la base du parti et la direction est renversé. Les porte-parole condensent et expriment les aspirations des membres. Leur influence dans le parti est directement proportionnelle à cette capacité d’assumer ce rôle. Autrement dit, le prestige et l’influence des porte-parole n’augmentent que dans la mesure où ils détruisent les fondements de tout suivisme. Leur prestige augmente dans la mesure où ils ne se prétendent plus des chef-fes au-dessus des membres, mais d’où ils cherchent à faire de l’ensemble des militantes et militants qui constitue le parti, la direction de ce parti. Cette transformation de la base militante en collectif agissant capable d’une pratique réflexive partagée est un processus dialectique et continu, car un parti de gauche recrute de façon ininterrompue des éléments nouveaux. C’est pourquoi la formation est si essentielle dans un parti qui fonde son fonctionnement sur une véritable démocratie participative. La direction d’un tel parti doit refléter la réalité de genre (le caractère essentiel de la parité hommes/femmes), générationnelle (place faite aux jeunes) et sociale (la présence des différents secteurs sociaux) et politiques (la reconnaissance du pluralisme politique dans le parti) pour créer les conditions d’une direction coordonnant le travail de la base d’un tel parti. Le résultat des débats peut devenir des synthèses d’expériences diversifiées vécues par les différentes composantes du parti…

C’est pourquoi un gouvernement solidaire qui voudra travailler à l’expression réelle de la souveraineté populaire exigera une rupture avec le primo-ministérialisme et proposera dans le cadre d’une assemblée constituante, la mise en place d’institutions qui donneront au parlement des pouvoirs décisionnels sur une série de questions stratégiques et instaureront divers mécanismes de démocratie directe et participative qui viseront à éviter la consolidation d’une oligarchie politique pouvant encore une fois s’approprier la souveraineté politique à ses propres fins.
 
Notes

[1] André Larocque dresse la liste de ses pouvoirs : “Le premier ministre du Québec est le chef de son parti, chef du gouvernement, chef du parlement, chef de l’administration. Sa décision est finale au Conseil des ministres. Il convoque, proroge et dissout l’Assemblée nationale comme il l’entend. Dans un cadre limite de cinq ans, iI fixe la date des élections générales à sa discrétion, il détermine la date des élections complémentaires. Il nomme et révoque les ministres et les sous-ministres, le secrétaire général du gouvernement, le leader, le whip et le secrétaire général de l’Assemblée nationale. Il nomme les juges des cours du Québec, le directeur de la Sûreté du Québec et chef de la police de Montéral, les dirigeants des sociétés d’État (Hydro-Québec) et les dirigeants d’un large horizon d’offices, de commissions, de comités de tous genres dont la Société des Alcools, la Régie de l’assurance maladie, la Société de l’assurance automobile, la Caisse de dépôt et placement, etc. Il “propose”, mais en vérité nomme puis qu’il contrôle la majorité de l’Assemblée, le Directeur général des élections, le Portecteur du citoyen, le Vérificateur général, le président de la Commission d’accès aux documents des organismes publics. Il prépare et livre le discours inaugural (politique ‘ensemble du gouvernement), approuve le discours du budget, détermine l’agenda gouvernemental, préside le Comité ministériel des priorités, approuve toute déclaration ministérielle majeure, réponde en priorité aux questions à l’Assemblée nationale, approuve tout projet de loi, toute réglementation. Il procède par décret, contrôle l’octroi de tout contrat d’importance et détermine l’organisation de l’administration publique. » Et il conclut : “Bref, le système parlementaire est bien mal nommé. Nous vivons en réalité dans un système que l’on devrait qualifier de “premier-ministériel”. (André Larocque, Au pouvoir citoyen, mettre fin à l’usurpation des partis politiques, Éditions BLG, 2006, pp. 50-51


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