vendredi 18 janvier 2019

Le calvaire d’une musicienne palestinienne à l’aéroport de Tel Aviv


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Le calvaire d’une musicienne palestinienne à l’aéroport de Tel Aviv 

15 janvier 2019

Le récit de Nai Barghouti, une jeune citoyenne israélienne d’origine palestinienne en butte au racisme à l’aéroport de Tel Aviv. Une bonne raison, pour celles et ceux ceux qui disent aimer la musique de refuser d’aller se produire dans cette ville, en mai prochain, à l’occasion de l’Eurovision.

"J’ai quitté notre maison familiale le lundi 7 janvier 2019 à 9h30 pour être à l’aéroport Ben Gourion, de Tel Aviv, à 10h30 pour prendre mon vol de 12h45 à destination d’Amsterdam, où je me prépare en ce moment à passer le baccalauréat section musicale.

Avant de faire ma valise la nuit précédente, je m’étais fait une liste de toutes mes affaires, pour être sûre de ne rien oublier. Après avoir coché toutes les cases de ma liste, je réussis à être à l’aéroport à l’heure. Mais il y avait une chose que j’avais oublié d’écrire dans ma liste… un détail très important qui m’avait échappé… je suis palestinienne !

Comme tous les Palestiniens qui possèdent la citoyenneté israélienne et vivent sous le régime israélien d’apartheid, c’est toujours la boule au ventre que je me rends à l’aéroport, et cette fois ne faisait pas exception. La grippe que j’avais attrapée la veille n’était pas de nature non plus à m’aider. Ma mère, qui m’a conduite à l’aéroport, s’inquiétait vraiment au sujet d’un barrage militaire sur la route qui pourrait me faire rater mon vol, mais nous avons eu de la « chance » de ce côté cette fois-ci.

Une occupation militaire coloniale, vous brutalisant pendant tant d’années, peut vraiment réduire à néant le moindre de vos projets. Réussir à franchir un barrage militaire vous donne cette étrange sensation d’avoir réussi à décrocher la Lune. C’est comme si vos droits humains fondamentaux devenaient un privilège incroyable plutôt que la norme, et cela devient la nouvelle norme.

L’un des aspects les plus dangereux des régimes d’oppression coloniale est qu’ils s’efforcent d’occuper l’esprit des opprimés, pas seulement leur pays.

Nous sommes arrivés à l’aéroport et j’essayais de convaincre ma mère de ne pas attendre que j’en aie fini avec le test de « sécurité » déshumanisant, comme elle le fait toujours. Bien que j’aime toujours voir son visage de loin, derrière l’épaisse vitre, je décidai de renoncer à sa main rassurante, car je ressens tant de peine et de rage en la voyant débordant de colère et si impuissante lorsqu’elle voit tous ces agents de sécurité israéliens racistes qui tentent de m’humilier juste à cause de qui je suis, de ce que je suis, une Palestinienne... Je l’ai suppliée de partir, mais elle a insisté : « Je ne peux pas te laisser dans cet endroit horrible. On ne sait jamais ce qui se passe. » Elle avait raison !

Mon nom arabe sur mon passeport a immédiatement révélé mon identité, les invitant à me réserver leur traitement « royal ». Lorsque l’agent de sécurité m’a demandé si je parlais hébreu et que j’ai dit non, sa colère était visible. Quand elle m’a demandé ce que je faisais à Amsterdam et que j’ai répondu que j’y étudiais le jazz, elle ne pouvait plus retenir son racisme. Comment pouvais-je avoir l’outrecuidance de ne pas satisfaire point par point au stéréotype raciste de la « femme arabe » ? Elle m’a dit que je devais subir une « fouille corporelle ».

Je l’ai immédiatement accusée de racisme, de profilage racial et de vengeance contre moi à cause de qui je suis, de ce que je suis et de ce que je fais. Elle a alors répondu en me criant qu’elle faisait son travail. Je lui ai rappelé que des réponses de ce genre avaient servi à excuser de nombreux crimes innommables de l’Histoire.

Elle s’est vengée en affirmant que mon ordinateur portable n’avait pas passé son contrôle de sécurité et ne pouvait donc rester dans mes bagages. Ceci en dépit du fait qu’elle m’avait déjà demandé de l’ouvrir et de l’allumer. Elle a dit qu’ils me l’enverraient plus tard, par colis postal à mon adresse à Amsterdam. Je ris de son audace et objectai fortement. De par ma propre expérience comme celle d’autres Palestiniens, je sais que laisser son ordinateur portable à la sécurité de l’aéroport Ben Gourion signifie inévitablement qu’il sera piraté, endommagé, voire carrément "perdu".

Je lui ai dit que je ne pouvais pas voyager sans mon ordinateur portable car toutes mes notes de musique et de cours y étaient, et qu’à défaut je ne pouvais assister à aucun de mes cours.

Son supérieur hiérarchique sur place a soutenu sa décision vindicative, avec pour conséquence de me faire rater mon vol. J’ai pris mon ordinateur portable et me suis dirigée vers l’endroit où ma mère m’attendait avec anxiété. Elle m’a saluée avec le plus chaud des câlins et quelques larmes, puis m’ a dit : « Ne t’ inquiète pas, nous allons trouver une solution. Je suis si fière de toi !"

Le lendemain, elle m’a conduite au poste frontière avec la Jordanie. Après avoir passé une nuit agréable en famille à Amman, savourant les fameuses tartes au fromage blanc et aux épinards de ma grand-tante, j’ai traversé l’aéroport accueillant d’Amman et suis arrivée à Amsterdam en toute sécurité, avec mon ordinateur portable et ma dignité intacte.

Aussi furieuse que je suis devant le racisme et la vengeance odieuse de l’agent de sécurité israélien, je me sentais un peu navrée et dans l’affliction pour elle. En dépit de tous ses efforts pour m’humilier, je continuerai à résister en musique et avec la musique, contre le racisme et l’apartheid de son État et, un jour, je pourrai réellement apporter ma propre pierre et marquer le coup, dans la lutte de mon peuple pour sa libération. Elle continuera cependant à fouiller les sous-vêtements des Palestiniens, à mentir au sujet de nos ordinateurs portables qui n’auraient pas passé les contrôles de sécurité, et à demeurer le pitoyable rouage d’un système d’oppression raciste.

Alors que j’étais sur le point de sortir de l’aéroport, j’ai élevé ma voix très fort pour m’assurer que les derniers mots sortant de ma bouche toucheraient le plus grand nombre de personnes possibles.

“Vous savez ce qui est très proche d’Amsterdam ? La Haye. Un jour, vous et vos dirigeants serez poursuivis pour crimes devant la Cour pénale internationale dans ce pays. »

Elle resta silencieuse et baissa les yeux."

Par Nai Bargouti

(Traduit par Lionel R. pour CAPJPO-EuroPalestine)

Source : Mondoweiss

BOYCOTT DE L’EUROVISION DANS LE PAYS DE L’APARTHEID !


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