samedi 16 novembre 2013

Être contre le voile ne signifie pas être contre les femmes voilées pas plus que la Tunisie (ou le Maroc) n’est le Québec

Marc Bonhomme jette un nouvel éclairage dans ce débat:





Être contre le voile ne signifie pas être contre les femmes voilées pas plus que la Tunisie (ou le Maroc) n’est le Québec

Oui, le voile, qui trouve son origine dans l’émergence de la civilisation urbaine au Moyen-Orient, est un symbole d’assujettissement des femmes bien qu’il est aussi servi de protection comme aujourd’hui il peut être aussi un signe d’affirmation identitaire contre l’oppression nationale et religieuse et même une protestation contre la mode sexiste occidentale.  Oui, la critique de la religion a toute sa place dans une société démocratique mais avant de critiquer la paille sexiste du voisin coranique il ne faudrait pas oublier de le faire pour la poutre du même acabit de nos chers bible et évangiles.

Notons en particulier les dits épîtres de Paul de Tarse dont voici un savoureux échantillon :

3.           Je veux cependant que vous sachiez que le chef de tout homme c'est le Christ, que le chef de la femme, c'est l'homme, et que le chef du Christ, c'est Dieu.

4.           Tout homme qui prie ou qui prophétise la tête couverte, déshonore sa tête.

5.           Toute femme qui prie ou qui prophétise la tête non voilée, déshonore sa tête: elle est comme celle qui est rasée.

6.           Si une femme ne se voile pas la tête, qu'elle se coupe aussi les cheveux. Or, s'il est honteux à une femme d'avoir les cheveux coupés ou la tête rasée, qu'elle se voile.

7.           L'homme ne doit pas se couvrir la tête, parce qu'il est l'image de la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l'homme.

8.           En effet, l'homme n'a pas été tiré de la femme, mais la femme de l'homme;

9.           et l'homme n'a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l'homme.

10.         C'est pourquoi la femme doit, à cause des anges, avoir sur la tête un signe de sujétion. (Première épître aux Corinthiens, chapitre 11, versets 3 à 10, site de catholique.org)
     
Autant Janette Bertrand, ou même Jean Allaire, que la député de La Pinière, la seule députée d’origine arabo-musulmane, plus précisément et plus justement d’origine marocaine, de l’Assemblée nationale ont beau faire une critique légitime et bien méritée du sexisme des grandes religions dont celle musulmane, encore plus Mme Houda-Pepin.  Mais s.v.p., il faut commencer par faire le ménage dans sa propre cour.  Est-ce que l’Église catholique a rangé au musée de l’histoire la bien connue misogynie paulienne ?  Pourquoi n’y a-t-il pas de femmes qui sont évêques et prêtres ?  Est-ce que les fondamentalistes chrétiens étasuniens qui ont poussé à la guerre contre l’Afghanistan et l’Iraq pour sauver la femme voilée et super-voilée de ces pays ont le moindrement aidé sa cause en justifiant la destruction de ces pays, ce qui a créé les conditions d’une guerre ethnique ?  (Idem, soit dit en passant en ce qui concerne les fondamentalistes juifs par rapport au peuple palestinien.)

Il faudrait aussi se souvenir que les courants les plus extrémistes parmi les fondamentalistes chrétiens et juifs peuvent compter sur l’appui des armées étasunienne et israélienne lesquelles n’ont jamais craintes de recourir aux bombardements aériens et terrestres de civils, et même de destruction de villes entières telle Fallujah en Iraq, ce que l’on ne peut autrement que qualifier de terroristes.  Il ne faudrait pas non plus oublier que le terrorisme d’Al-Qaïda et de plusieurs autres groupes du même genre a été favorisé par l’impérialisme étasunien et ses alliés que ce soit dans la guerre contre l’occupation soviétique de l’Afghanistan, dans la lutte armée du Pakistan au Kashmir ou même dans sa lutte d’influence pour le contrôle de l’Afghanistan, et dans les manœuvres souvent désespérées des ÉU pour garder le contrôle de l’Iraq.
  
Mme Houda-Pepin se goure quand elle fait un amalgame entre l’interdiction des femmes voilées à l’Assemblée et dans la fonction publique et parapublique et la conquête du droit de vote des femmes et celle de la loi sur la capacité juridique de la femme mariée, ou encore l’école obligatoire, ou même le droit d’affichage en français.  Il s’agit là de conquêtes de droits démocratiques des femmes, du prolétariat, du peuple québécois.  De quel droit démocratique s’agit-il quand on veut interdire aux femmes qui se voilent le droit de travailler dans le secteur public et de se présenter comme députées ?  Quant à la neutralité religieuse de l’État, elle est une affaire tant de symboles et de pratiques institutionnels que de relations professionnelles entre le personnel étatique et le public.  Le droit d’expression religieuse par l’habillement du personnel étatique quant à la laïcité est une zone grise qui requiert une analyse concrète de chaque cas concret.

Au Québec, comme dans l’ensemble du monde occidental, l’islamophobie devient un problème des plus sérieux qui fait des nationalités arabo-musulmanes les boucs émissaires expiatoires des souffrances et frustrations dues à l’austérité néolibérale, faute de solution crédible de gauche.  Il n’en est évidemment pas de même dans le monde arabo-musulman où l’antisémitisme, en réaction au sionisme, peut jouer le même rôle ou même la haine de l’Occident comme « civilisation », en réaction à l’impérialisme.  Au Québec, les salafistes ne sont pas une force politique ou sociale, ce qui n’empêche pas leur dénonciation vigilante quand ils montrent le bout du nez pour prêcher la haine, de la même manière qu’on doit le faire contre le fondamentalisme chrétien ou juif tout comme contre tout racisme.  Dans maints pays arabo-musulmans, les courants fondamentalistes, et en particulier l’extrême droite salafiste, sont un sacré problème. En Tunisie, par exemple, un parti fondamentaliste est au pouvoir et il est appuyé dans la rue par des groupes terroristes, particulièrement envers les femmes mais aussi contre la gauche, qui vont jusqu’à l’assassinat sans que l’État ne sévisse.

Être à gauche au Québec, c’est lutter contre la répression des femmes voilées sous prétexte d’égalité femme-homme et de laïcité parce que cette répression est islamophobe, qu’on le veuille ou non.  Être de gauche en Tunisie c’est, par exemple, lutter contre le port du niqab à l’université parce que c’est là céder au salafisme fascisant comme le fait courageusement le doyen de la faculté des lettres de l’Université de la Manouba, à Tunis, Habib Kazdaghli (Isabelle Porter, Tunisie - Le combat contre le niqab d'un doyen menacé de mort , Le Devoir, 12/11/13).  Il en est de même pour la grande majorité de la gauche et des démocrates, et bien sûr des féministes, qui luttent « [c]ontre les violences faites aux femmes et pour la pluralité de leur expression » y compris contre le « pullulement des jardins d’enfants échappant à tout contrôle institutionnel et pédagogique allant jusqu’à autoriser le niqab des enseignantes et le hijab des petites filles… » ( Déclaration de l’Association tunisienne des femmes démocrates , 18/04/13, par ESSF).

Marc Bonhomme, 16 novembre 2013
www.marcbonhomme.com


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