mercredi 28 septembre 2016

Bateau pour Gaza : "Qu’est-ce qui m’a pris de quitter L.A. et ma famille ? ", un texte de l’actrice Lisa Gay Hamilton


Bravo à Lisa Gay Hamilton pour son courage




Les 13 femmes embarquées pour briser le blocus de Gaza

Bateau pour Gaza : "Qu’est-ce qui m’a pris de quitter L.A. et ma famille ? ", un texte de l’actrice Lisa Gay Hamilton 

26 septembre 2016

Lisa Gay Hamilton, actrice américaine qui fait partie des femmes sur le bateau pour Gaza, le Zaytouna, actuellement dans le port de Messine, avant de voguer vers Gaza, nous transmet ce très beau texte à lire et à faire lire. Merci Lisa.

"Qu’est-ce qui m’a pris de quitter L.A. et ma famille, de faire 6.000 miles (9.656,064 km) pour affronter la Mer Méditerranée dans le plus petit bateau du quai ? Pourquoi me joindre à un nouvel effort pour briser le blocus israélo-égyptien de Gaza ?


En premier lieu, me voici ici pour les femmes – les formidables femmes de Gaza – et aussi pour les admirables femmes que je suis fière d’appeler mes camarades de bord.

Me voici parce que je m’inquiète des effets de la guerre et du blocus sur les femmes, du fait que les hôpitaux et les maisons sont régulièrement détruits et que les sources d’énergie et d’eau sont compromises.

Me voici parce qu’un million huit cent mille Gazaouis sont piégés dans ce qu’on décrit souvent comme dans une géante prison à ciel ouvert.

Me voici pour les 299 femmes et 551 enfants tués au cours de l’attaque de 2014 et pour plus de 40.000 femmes enceintes privées de services de santé génésique, conséquence du blocus et de la dévastation causée par la guerre.

Me voici parce que le siège de Gaza, mené à la fois par l’Égypte et Israël, viole la Convention de Genève sur l’interdiction des peines collectives.

Me voici parce que mon président vient d’augmenter l’aide américaine à Israël de trois milliards un million de dollars à trois milliards huit millions de dollars par an, s’échelonnant sur dix ans, sans limites et sans faire mention de la situation à Gaza.

Me voici parce que, malgré un assouplissement des restrictions, le blocus est responsable du taux élevé du chômage, de l’insécurité alimentaire, d’une infrastructure qui a grand besoin de réparations et de la crise médicale permanente. Nous ne sommes pas ici pour apporter « de l’aide » à la population de Gaza, mais pour contribuer à l’effort international qui vise à briser le siège. Je prends à cœur les paroles d’une autre femme phénoménale, la romancière Adhaf Soueif : « Le monde considère Gaza comme un cas humanitaire, comme si les Palestiniens avaient besoin d’aide. Ce dont Gaza a besoin, c’est la libération ».

Je suis également présente afin de m’unir à une foule de femmes formidables – des femmes telles que Wendy Goldsmith, assistante sociale et militante ; Yehudit Barbara Llany, militante politique israélienne ; Latifa Habachi, législatrice tunisienne qui a contribué à la rédaction de la Constitution de 2014 ; la docteure Fauziah Hasan, gynécologue malaisienne ; notre intrépide organisatrice et vétérane de la flottille, la colonelle Ann Wright, retraitée de l’armée américaine et notre « capitaine » australienne, Madeline Habib. Je suis fière d’être la seule femme noire qui participe à ce voyage, et tandis que je débarque à Messine, pour la première fois de ma vie, j’ai le sentiment de prendre part à quelque chose de bien plus grand que moi.

Je regarde le bateau amarrer et je pense : incroyable que ce petit bateau chargé de treize femmes représente une telle menace pour la sécurité que les « Forces de défense israéliennes » vont intercepter et aborder le vaisseau, arrêter les femmes et détruire le bateau.

L’une des femmes à rejoindre l’équipage pour le dernier bout vers Gaza, c’est la dramaturge Naomi Wallace, ma grande amie. Acharnée autant que courageuse, Naomi me rappelle que nous sommes aussi présentes pour défendre la liberté d’expression artistique. À vrai dire, lorsque j’ai révélé à mes amis les plus proches que j’allais faire ce voyage, ils se sont moins souciés de ma sécurité physique que de la conséquence sur ma capacité de travail. Critiquer Israël ou exprimer ses inquiétudes pour les Palestiniens sont toujours et encore des sujets tabous dans le domaine du film, de la télévision et même du théâtre. Récemment, le « Public Theater » de New York a été obligé d’annuler la production de la pièce « The Siege », qui traitait des cinq militants du Mouvement International de Solidarité, contraints à se réfugier dans une église de Bethléem pendant la Seconde Intifada de 2002. Naomi a l’habitude de ce genre de censure. Sa pièce, « Twenty-One Positions » rédigée en collaboration avec Abdelfattah Abusrour et Lisa Schlesinger, avait été commandée par le « Guthrie Theater » puis refusée pour être trop favorable aux Palestiniens. Puis, lorsque l’actrice lauréate du « Tony-Award », Tonya Pinkins a essayé d’organiser un concert de bienfaisance pour le mouvement « Black Lives Matter », le propriétaire de l’établissement a brusquement annulé la performance, faisant mention des critiques d’Israël. J’espère que mon voyage contribuera à briser le blocus américain à peine caché, de l’art et des artistes palestiniens.

Je ne vais pas mentir : J’ai une peur bleue de la mort, d’être malade, de chavirer, d’être perdue en mer. J’ai peur pour moi et spécialement pour les femmes courageuses qui vont essayer de briser le blocus mais j’ai encore plus peur de ce qui peut arriver si nous restons chez nous, silencieuses et soumises, posant devant les paparazzis. Briser le siège n’est pas comparable à la libération de Gaza mais c’est un début. Et nous, les femmes, nous l’emporterons. Comme mes sœurs d’Afrique du Sud disaient souvent dans leur combat pour leur libération : « Maintenant que vous avez touchées des femmes, vous avez cogné un rocher ».


Lisa Gay Hamilton dans la pièce de Naomi Wallace : « The Liquid Plain » (La Plaine Liquide).
Lisa Gay joue aussi dans des films et des séries télé.


Pendant leur séjour de quelques jours à Messine, où elles ont été accueillies par le maire de la ville, les femmes du Bateau pour Gaza, sont invitées à rencontrer la population et notamment des étudiants.

(Traduit par Cantal C. Pour CAPJPO-EuroPalestine)

Source : URL de l’article : www.counterpunch.org/2016/09/21/why-i-am-on-the-womens-boat-to-gaza/

CAPJPO-EuroPalestine


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