lundi 4 août 2014

Bêtise humaine contre bonté humaine

Francis Lagacé nous parle de générosité


Bêtise humaine contre bonté humaine 

4 août 2014

Il a été porté à mon attention qu'il existait de ces riches fortunes aux États-Unis (et sans doute ailleurs dans le monde) qui se piquaient de générosité en offrant des sommes de quelques milliers de dollars, ou même plus, à quiconque arriverait à justifier son mérite auprès du détenteur de ladite fortune.

Autrement dit, je suis un Crésus et je propose de donner 10 000 $ à la personne qui fera pour moi la singerie la plus amusante. Oh, ce n'est pas dit comme ça. Le mécène parle plutôt d'originalité, de sensibilité, de créativité. On habille avec de beaux mots ces choses-là.

Il semblerait que les généreux donateurs aient trouvé là une façon, selon leurs propres dires, de rendre à la société une part de leur fortune si considérable.

Non, mais faut-il être à ce point démuni intellectuellement et spirituellement (j'entends ici par «esprit», cette part de la conscience humaine qui n'est pas uniquement rationnelle, mais qui tient compte de sa présence au monde et à son environnement, ce qui est de l'intelligence sensible, pas seulement de l'intellect), donc faut-il être en peine, comme disaient les vieux, pour se livrer à de pareilles sottises.

Ce genre de petits concours, tout à la gloire de celui qui l'organise, ressemble fort à cette coutume qu'avaient les nobles et parfois les bourgeois d'aller sur les places dans les quartiers pauvres pour y lancer des pains et des gâteaux et se délecter du spectacle des miséreux s'étripant entre eux pour les ramasser. Cruelle, prétentieuse, méprisante et narcissique, cette pratique n'a absolument rien de généreux ni de propre à redonner quoi que ce soit à la société.

Si vous voulez faire votre part pour la société, payez vos impôts, payez donc vos salariés, militez dans un groupe de gauche, faites pression pour bannir l'évasion fiscale, contribuer à la richesse collective en favorisant l'amélioration des régimes sociaux. C'est pourtant simple, et il n'est nul besoin d'avoir un doctorat en sociologie ou en économie pour comprendre ce que Benjamin Franklin disait déjà : «Tout le bien qu'un particulier peut accomplir ne vaudra jamais celui que peut réaliser une collectivité qui s'en donne la peine.» Participez à l'effort collectif à la même mesure, selon vos moyens, que les autres, vous verrez que vous n'aurez plus besoin de flatter votre narcissisme et de poser en héros qui donne aux autres pour se faire élever une statue.

À la même occasion, j'ai aussi appris qu'il existait un mouvement dit de Random acts of Kindness, c'est-à-dire des gens qui décident de faire une bonne action comme ça au hasard et choisissent tout à coup, au pif, une personne avec qui elles seront particulièrement gentilles à ce moment-là, en lui faisant un cadeau, une faveur, une aide particulière.

Vous êtes si peu aimable et généreux que vous sentez le besoin de faire une loterie pour choisir les moments auxquels vous serez gentils, et les personnes avec qui vous le serez? En tant qu'êtres humains, ce n'est pas tout le temps que la sollicitude envers nos congénères est de mise? Moi, c'est drôle, j'essaie d'être aimable en tout temps et, quand je ne le suis pas, ce n'est pas random du tout, c'est parce que je fais face à quelqu'un qui s'obstine à susciter ma colère.

Des milliards d'individus se comportent humainement tous les jours, et il faudrait construire des monuments à la gloire de ceux qui ne le sont que de temps en temps?

Dire que j'ai appris tout ça à la radio d'État. Les commentateurs de ces «modes», si je puis dire, s'extasiaient devaient ces hauts faits d'armes, ce qui me jette dans une stupéfaction au-delà de tout ce que je saurais décrire.

La bonté humaine est générale, anonyme et non capitaliste. Gardez pour vous votre charité ostentatoire, payez vos impôts, traitez vos employés avec équité et justice.

La semaine prochaine, je donnerai un exemple de ce qu'est la vraie bonté anonyme.

LAGACÉ, Francis




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