dimanche 29 mars 2015

Péchés à usage réservé


Francis Lagacé parle de,...péchés


Péchés à usage réservé 

29 mars 2015

Dans la religion catholique romaine, qui est l'univers culturel dans lequel j'ai macéré pendant toute mon enfance, c'est aujourd'hui le dimanche des Rameaux et demain commencera ce qu'on appelle la semaine sainte préparant le jour de Pâques, la fête la plus importante de cette religion puisqu'elle célèbre la résurrection du sauveur appelé Christ.

C'est une excellente occasion de réfléchir à certaines prescriptions de l'Église qui sont assez intrigantes quand on les considère de prime abord. J'ai nommé les sept péchés capitaux, fautes fondamentales qui incarnaient tout ce qu'il faut éviter, car comme le disait le petit catéchisme «ils sont la cause de beaucoup d'autres» ou pire encore selon Monseigneur de Saint-Vallier dans son catéchisme du diocèse de Québec en 1702 : «Parce que d'eux comme de certaines sources, descendent tous les autres péchés.»

Ne disait-on pas d'une personne très vilaine à regarder ou monstreuse dans son comportement qu'elle était «laide comme les sept péchés capitaux».

Quels sont donc les sept péchés capitaux ? L'orgueil, l'avarice, l'impureté (ou impudicité), l'envie, la gourmandise, la colère et la paresse. Dans le catéchisme de Monseigneur de Saint-Vallier, l'impureté est appelée luxure et la colère a fait l'objet d'une erreur d'impression de sorte qu'on n'y retrouve que deux lettres «ne», dont l'unen ne fait même pas partie du mot.

Cette liste m'a toujours semblé bien étrange parce qu'elle mélangeait des choses désirables avec des choses indésirable. En effet, on comprend bien pourquoi on interdit la gourmandise, la paresse et la luxure, ce sont des choses agréables et, quand on a été dé-formé par la religion catholique, on comprend vite que les ecclésiastiques nous interdisent tout ce que nous aimons et on a l'impression que faire souffrir les autres est le premier but de leur vie.

Mais l'orgueil, l'avarice, la colère, l'envie, en quoi cela est-il attirant? En tout cas, je ne pouvais pas comprendre qu'on m'interdise des choses qui ne sont pas vraiment tentantes.

Prenons l'orgueil par exemple. Personne n'aime fréquenter les orgueilleux, donc on n'a pas besoin d'en faire un péché. Pourtant, il y un sens ancien de ce mot qui est «la fierté naturelle», «le sentiment de dignité». Quand une personne n'avait aucune dignité, qu'elle se rendait ridicule, qu'elle s'humiliait elle-même et recommençait sans cesse, je me rappelle que les vieux en disaient : «Ça n'a pas d'orgueil». Tiens donc, en interdisant l'orgueil, peut-être voulait-on rabaisser les pauvres et les peu instruitEs pour qu'elles et ils ne se redressent pas devant l'autorité ? Peut-être voulait-on simplement dire qu'il faut accepter de se faire humilier ? Ce qu'aucun ecclésiastique ne souffrirait pour lui-même bien sûr.

Mes lectrices et lecteurs assiduEs auront déjà vu dans mon billet de la semaine dernière que la colère est quelque chose d'utile, qui peut mener à la révolte contre l'injustice, donc les ecclésiastiques qui sont gens de pouvoir avaient tout intérêt à l'interdire. C'est par ce biais qu'on peut comprendre comment la liste des péchés capitaux a finalement été établie.

Si on se place du côté du pouvoir et qu'on veut dominer la masse, il faut lui interdire tout ce qui nous sert et tout ce qu'on veut préserver pour soi dans une chasse gardée.

Ainsi les princes de l'Église ont-ils décidé de se réserver l'accumulation des richesses (avarice), les plaisirs de la table et du lit (gourmandise et luxure), qui vont souvent ensemble, la superbe qu'on peut imposer aux autres (orgueil), le droit de se mettre en colère, le désir de surpasser les autres en possession et en richesse (envie) et le luxe du farniente (paresse).

Voilà, tout devient clair : ce n'est pas parce que ce sont toutes des choses désirables que les aimables princes du catholicisme nous interdisaient ces «péchés», mais bien parce qu'ils voulaient les garder pour eux seuls, s'assurant de pouvoir dominer le bon peuple.

Et on remarquera, en passant, que ce sont bien les mêmes «fautes» que les capitalistes, qu'ils soient catholiques ou pas, nous reprochent. Vous n'avez pour ça qu'à vous remémorer les sermons du curé Lucien Bouchard.

Quand j'étais petit, il n'y avait que quatre péchés que je trouvais difficiles à éviter : gourmandise, paresse, impureté et colère. Les autres ne m'intéressaient nullement. Maintenant, ils ne m'attirent pas davantage, mais je peux pratiquer les quatre premiers avec d'autant plus de plaisir que je sais pourquoi ils nous étaient interdits.

LAGACÉ, Francis





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