lundi 27 janvier 2014

Éloge (¿) de la vacuité

Laissons Francis Lagacé nous parler de vanité.


Éloge (¿) de la vacuité

27 janvier 2014

«Vanité des vanités, tout n'est que vanité», disait l'Ecclésiaste (chap. 1, verset 2). Moi, ce qui me chiffonne, c'est la vacuité du discours qui remplit nos ondes, nos images, nos bandes passantes et c'en est un peu une belle illustration que l'on trouve dans le film La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino, si vous avez la chance de le voir avant qu'il ne quitte les écrans.

Beaucoup d'agitation, beaucoup de clinquant, beaucoup superficialité. À part le «human interest», que l'on confond avec le sérieux et la profondeur, il semble que notre monde médiatique soit incapable d'étudier des questions de manière rigoureuse. Aussi des émissions de télé multiplieront les invités pour éviter que le client ne s'ennuie. Deux ou trois questions croustillantes feront office de solidité théorique, puis on pourra retourner aux boutades et autres rigolades comme si un bon mot était plus important qu'une étude des causes des conditions socio-économiques qui nous affligent. Comme si un clash entre deux grandes gueules était plus instructif, plus divertissant certes, qu'une analyse.

Comme si une logorrhée était toujours nécessaire, car parfois le silence dans l'attente de plus d'information sérieuse serait la meilleure attitude. En tout cas, si j'étais isle-vertois, c'est ce que je me dirais.

Le commentaire a envahi toutes les tribunes, aussi quand je réclame de l'analyse, on me répond qu'il n'y a que ça, mais dire tout ce qui nous passe par la tête n'est pas analyse. Et, ici, en mode essayistique, j'exprime une désolation, pas non plus une analyse, je l'ai fait avant et le ferai après, mais pas cette fois-ci, aujourd'hui c'est illustration.

Comme il est bon de lire des essais du genre de La littérature est inutile de Gilles Marcotte (paru chez Boréal en 2009), où la pensée se promène librement sans préoccupation liée à la nécessité d'accrocher le chaland par des couleurs criardes ou des larmes de circonstance.

Cela nous fait oublier les répliques insensées d'une vedette traitant un homme qui s'est enrichi en achetant et revendant les autres de «génie absolu». Cela nous fait oublier qu'une télé d'État se permet de faire une émission dans laquelle elle demande aux plus riches et aux mieux nantis ce que l'État devrait faire pour les plus pauvres, comme si on ne devinait pas la réponse qui est de débaucher les fonctionnaires qui sont au service de la population. Cela nous fait oublier qu'un grand journal francophone se demande si les syndicats sont utiles vu qu'ils sont moins nombreux et que de moins en moins de personnes sont protégées par eux. On se demande bien à cet égard si l'emploi est toujours utile vu qu'il y a de moins en moins de gens qui en ont. Peut-être les logements ne sont plus utiles vu qu'il y a de plus en plus d'itinérants?

Bon, je m'arrête, allez voir La Grande Bellezza, lisez des essais, après vous aurez toujours le temps de rallumer votre téléphone pour savoir quel est le nouveau trend sur Twitter.

LAGACÉ, Francis




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