vendredi 20 février 2015

Phillipe Couillard soutient la marche forcée des élites économiques vers une démocratie de plus en plus restreinte



POLITIQUE D'AUSTÉRITÉ


Phillipe Couillard soutient la marche forcée des élites économiques vers une démocratie de plus en plus restreinte



mardi 10 février 2015, par Bernard Rioux

Les politiques d’austérité du gouvernement Couillard ont une dimension de plus en plus clairement antidémocratique. La centralisation bureaucratique des pouvoirs dans les mains de l’exécutif gouvernemental se manifeste à tous les niveaux : centralisation aux dépens des régions avec l’abolition des CLD, centralisation de tous les pouvoirs en santé dans les mains du ministre, fusion des commissions scolaires et marginalisation du pouvoir citoyen. Ces politiques ne sortent pas de l’imagination fertile du premier ministre. Elles s’inscrivent dans l’offensive des élites économiques en ces temps de néolibéralisme et correspondent à la régression des acquis démocratiques souvent arrachés de hautes luttes.

A. La domination du capital financier et le recul du pouvoir démocratique du peuple.

La période néolibérale a été marquée par une pression continue des élites économiques pour diminuer sa contribution fiscale aux revenus de l’État. Ces pressions ont permis non seulement une défiscalisation des hauts revenus et des patrimoines, mais également une transformation de la fiscalité où l’impôt est devenu de moins en moins progressif (diminution des paliers d’imposition) et où les taxes indirectes ont occupé une place de plus en plus importante dans la structure des revenus de l’État. Non contentes d’avoir obtenu cette défiscalisation qui a coûté des milliards au trésor public, les banques et les grandes entreprises ont développé une politique d’évitement fiscale et de fraude fiscale avec l’appui des politiciens à leur service. C’est ainsi qu’on a multiplié les possibilités des évitements fiscaux et les fuites de capitaux vers les paradis fiscaux afin de cacher leurs revenus et éviter le fisc.

N’ayant plus de revenus suffisants, l’État s’est endetté auprès des banques et autres institutions financières. Ces créanciers, qui n’avaient pas payé leur dû, sont de nouveau passés à la caisse en demandant des intérêts importants sur leurs prêts. Une loi a été passée au Canada comme ailleurs pour interdire à la Banque centrale de passer de l’argent aux gouvernements provinciaux et pour permettre aux banques privées de faire ses prêts à des taux beaucoup plus élevés. Pour s’assurer que les États ne fassent pas défaut sur leurs dettes et qu’ils soient remboursés, ces créanciers ont demandé aux États de couper dans les dépenses sociales et de privatiser leurs institutions publiques pour leur ouvrir de nouveau champ à l’accumulation du capital. Et ils menacent les États qui ne répondraient pas à leurs exigences de les décoter et de rendre encore plus coûteux les nouveaux emprunts qu’ils seraient amenés à faire. Ils font ainsi pression pour que soit instaurée une politique d’austérité permanente.

Le capital financier, dans divers pays, avait fait pression pour déréglementer le secteur financier et lui permettre de spéculer tout à fait librement. Cette déréglementation a permis que la spéculation fleurisse, qu’apparaissent de bulles financières qui devaient inévitablement éclater en provoquant des crises majeures. La crise de 2008 aux États-Unis s’est répercutée dans le monde entier et a conduit à la faillite de nombreuses banques. Et le nombre des faillites aurait été encore plus important si l’État n’avait pas mobilisé l’argent public pour assurer le sauvetage de nombreuses banques.

La dette est devenue un instrument au service de la domination du capital financier sur les États et sur les peuples. C’est ainsi que la souveraineté du capital financier a commencé à peser davantage sur les choix gouvernementaux que la souveraineté populaire elle-même. “Le néolibéralisme est .[...] incompatible avec un État démocratique, si par démocratie on entend un régime qui intervient, au nom de ses citoyens, avec l’autorité de la puissance publique, dans la répartition des biens économiques résultant des événements de marché.” [1]

B. Les multinationales deviennent les protégés de l’État

Lorsqu’on voit les premiers ministres du Canada et du Québec faire des voyages internationaux pour trouver des investissements ou des débouchés pour les entreprises, ont comprend que les gouvernements sont devenus des commis voyageurs de l’entreprise. Mais cette réalité se décline sur toute une série de plans et dans une multitude de secteurs de l’économie. Une réglementation sur mesure a été faite par le gouvernement Landry pour les entreprises pharmaceutiques afin de permettre que ces entreprises puissent maintenir les prix élevés des médicaments et ralentir la diffusion des génériques. Le gouvernement fédéral s’est fait le promoteur de l’industrie nucléaire canadienne et du réacteur Candu. Le gouvernement conservateur a subventionné par milliards le développement du pétrole tiré des sables bitumineux. Il a fait adopter des lois mammouth afin de cacher la déréglementation environnementale permettant une des exploitations les plus polluantes de la planète et pour permettre la construction de pipelines sur tout le territoire canadien. Non content de demander des redevances dérisoires aux entreprises minières, le gouvernement du Québec leur construit des infrastructures qui leur permettront de baisser leur coût et d’augmenter leurs profits. Plus encore, le nettoyage de l’héritage toxique laissé par les minières est assuré par le gouvernement du Québec à des coûts évalués à plusieurs centaines de millions de dollars.

Les dépenses militaires du gouvernement ont explosé. Ici encore, ce n’est pas un choix démocratiquement discuté et pris par le peuple. C’est le choix d’un gouvernement dévoué au développement du complexe militaro-industriel.
### Le développement de l’agriculture au service du capitalisme pétrochimique centré sur la vente d’engrais et de pesticides provenant pour une large part du pétrole, et la domination des grands semenciers comme Monsanto qui fait pression pour l’utilisation d’OGM est encouragé par l’État au mépris de la résistance des agriculteurs qui doivent se plier à cette logique pour survivre.

La privatisation des entreprises publiques et la multiplication des PPP, s’inscrivent dans une même logique et correspondent à un même type de réseau de connivences. Les politiques d’austérité non seulement diminuent les services que la majorité populaire avait arraché de hautes luttes, mais elle frappe particulièrement les femmes qui, d’une part, constituent la majorité des personnels de ce secteur et qui d’autre part, constituent la majorité des proches aidants devant suppléer à des services publics réduits.

C. Les gouvernements et les entreprises multinationales favorisent le libre-échange et mettent en place des ententes commerciales qui les favorisent

Depuis les années 80, les gouvernements se sont ralliés au libre-échange et ont signé des traités qui favorisent le renforcement du pouvoir des multinationales. Le libre -échange, c’est d’abord la libre circulation des capitaux, les pressions à la privatisation, mais également la limitation des pouvoirs des États à favoriser sa population. C’est ainsi que l’ALENA ou le futur traité de libre-échange avec l’Europe donnent aux compagnies privées la capacité de poursuivre les gouvernements qui introduiraient des mesures destinées à protéger l’environnement ou les droits sociaux. Ces ententes de libre-échange constituent donc une atteinte directe à la souveraineté populaire. Elles sont donc profondément antidémocratiques

En somme, nous voyons donc que la démocratie, ce n’est pas simplement un montage institutionnel particulier. Le recul de la démocratie, on peut le constater dans toutes les actions des élites économiques et politiques qui arrachent le contrôle de la population sur des secteurs de la vie publique et sur la possibilité de contrôler son propre destin. Que ce soit les prétentions du capital financier à discipliner l’État à coup de diktats ou de menaces, que ce soit l’irresponsabilité des entreprises pétrolières à développer des énergies qui sont la cause du réchauffement climatique et la détérioration de l’environnement...ces faits démontrent que nous faisons face à une véritable expropriation de notre souveraineté populaire et de nos droits démocratiques de décider collectivement de notre avenir.

Notes [1] Wolfgang Streeck, Du temps acheté, La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique, Gallimard, 2014, p. 91


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