lundi 2 février 2015

Qui a peur de Vivian Maier ?


Francis Lagacé nous parle de Vivian Maier


Qui a peur de Vivian Maier ? 


2 février 2015

Un jeune homme états-unien achète dans une vente aux enchères un carton rempli de pellicule photographique non développée. S'enquérant auprès des personnes qui avaient possession de ces documents, il découvre qu'il y en a un garde-meuble plein. Des milliers et des milliers de photographies jamais révélées que John Maloof, le jeune homme en question, met au jour.

Il faut un film, Finding Vivian Maier, pour que les galeries commencent à s'intéresser au travail de cette véritable artiste qui n'a jamais vu ses propres œuvres. Les musées, quant à eux, semblent bouder le travail colossal, dont on ne voit qu'une partie dans le film.

Vivian Maier travaillait comme bonne d'enfant et profitait de ses sorties, seule ou avec les enfants, pour prendre des photos de rue. Certains se rappellent qu'elle croquait les scènes sur le vif, d'autres qu'elle mettait en scène les photos en commandant aux passants de se poser ici ou là.

Les témoignages sur son tempérament sont contradictoires. Elle n'a jamais été mariée, n'a jamais fréquenté ni hommes ni femmes. Il semble que sa vie soit tout entière consacrée à son travail et à ses photos. Mais alors pourquoi ne jamais les développer ?

Elle avait des obsessions-compulsions. Elle empilait les journaux dans sa chambre, et il ne fallait pas en déplacer un seul au risque de déclencher une colère abominable. Les personnes aujourd'hui adultes qui ont été sous sa garde témoignent aussi de façon contradictoire, certaines disant qu'elle était très douce ou d'autres qu'elle était très dure.

Elle ne supportait pas d'être surprise. Si quelqu'un arrivait par derrière, cela la désorganisait. Elle avait un côté narcissique, qui la poussait à se mettre en scène par diverses techniques et reflets dans nombre de ses photos.

On comprendra, par des allusions à ce que font les hommes quand ils vous demandent de s'asseoir sur leurs genoux, qu'elle a sans doute été victime d'abus sexuel dans son enfance.

Son œuvre immense est d'une qualité remarquable, son sens de la composition ne laisse d'impressionner. Il y a encore des milliers et des milliers de photos qui n'ont pas été développées, et le seul M. Maloof ne suffira pas à la tâche. Un tel talent, qui aurait pu passer totalement inaperçu mériterait pourtant qu'un musée y consacre l'une de ses collections. Pour se faire une idée de l'ouvrage extraordinaire auquel cette femme s'est engagée, on peut consulter le site vivianmaier.com.

Peut-être cet investissement artistique fut-il sa bouée de sauvetage et il s'en est fallu de peu que l'humanité en soit privée.

LAGACÉ, Francis





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