mardi 25 mars 2014

Pierre-Karl Péladeau ou les faux espoirs d’un souverainisme qui se prétend hors sol

Voici un excellent article de Bernard Rioux pour remettre les pendules péquiste à l'heure




Pierre-Karl Péladeau ou les faux espoirs d’un souverainisme qui se prétend hors sol

mardi 18 mars 2014, par Bernard Rioux

Pierre-Karl Péladeau est un capitaliste dont les succès sont redevables de l’utilisation de l’argent public. C’est un patron antisyndical qui n’a pas hésité à multiplier les lock-out contre les travailleuses et les travailleurs des entreprises qu’il possède. C’est un monopoliste qui s’est acharné à placer sous sa férule une grande partie des moyens de communication au Québec. C’est un cynique qui laisse sa chaîne de médias au Canada anglais, accaparés avec l’aide de son ami Harper, insulter le peuple québécois. C’est un oligarque qui a son projet pour l’économie du Québec et il annonce déjà des politiques s’inscrivant dans la logique de l’approfondissement d’une économie néolibérale qui a déjà démontré son caractère régressif.

L’approche élitiste des nationalistes du Parti québécois

Pourtant, nombre de nationalistes et non des moindres exultent. Même d’ex-syndicalistes, comme Gérald Larose, apportent leur appui à l’entrée de Pierre-Karl Péladeau dans les rangs du Parti québécois. Ces nationalistes auraient enfin trouvé le chef capable de les conduire sur le chemin de l’indépendance.

HumiliéEs par les mobilisations patronales à chaque référendum par lesquelles le grand patronat rejetait avec vigueur les aspirations populaires à la souveraineté du Québec, ces nationalistes voient dans le ralliement au Parti québécois d’un homme d’affaires prospère la possibilité du dépassement de leur impuissance politique qu’ils avaient tendance à attribuer au peuple québécois lui-même.

La faiblesse politique du Québec, c’est la faiblesse de ses élites

Le sommet de la société québécoise est clivé, entre la soumission active au fédéralisme canadien et une volonté de souveraineté velléitaire de ses secteurs nationalistes.

Le secteur fédéraliste majoritaire domine les sommets de la société québécoise. La bourgeoisie canadienne a veillé à l’associer, du moins formellement, aux structures de l’État canadien. Ses concessions à un certain nationalisme culturel québécois ne visent qu’à masquer le rôle d’associé junior et dépendant des fédéralistes québécois aux intérêts du capital canadien.

Aujourd’hui, la vaste majorité de la bourgeoisie québécoise est apatride. Elle se préoccupe essentiellement de la mondialisation de ses investissements. Son ouverture bon enfant aux projets pétroliers de la bourgeoisie canadienne et de l’empire américain montre qu’elle a abandonné toute conception d’un développement indépendant et intégré de l’économie québécoise. Elle est même prête à singer les grands partenaires du continent, dans leur course frénétique à l’exploitation des énergies fossiles. Elle soutient le libre-échange qu’il soit nord-américain, transatlantique ou transpacifique. Elle ne craint pas le saccage du bien commun, car elle est convaincue que la prospérité du monde des affaires est le meilleur critère pour définir la réussite d’une société. Elle refuse de voir, d’entendre ou de dénoncer, le renforcement des inégalités, la diminution de la liberté d’expression par la concentration de la presse, la rapine des cupides qui n’ont d’aise que d’accumuler et de cacher leurs richesses dans divers paradis fiscaux.

Les secteurs nationalistes de l’élite québécoise hésitent encore entre indépendance et association, souveraineté et partenariat... . Son habileté à repousser les combats les plus essentiels au lendemain ou au surlendemain, son refus de définir une voie claire d’accession à la souveraineté et sa peur de mobiliser la majorité populaire pour ce faire, reposent sur les refus de l’affrontement avec les fédéralistes québécois et canadiens dont ce secteur de l’oligarchie prétendait s’affranchir. Mais si peu, si peu. Car elle espère réaliser l’indépendance sans grandes perturbations. C’est pourquoi, Pauline Marois se voit déjà invitée à déléguer une personne au conseil d’administration de la Banque du Canada pour apporter une contribution québécoise à la gestion de la politique monétaire canadienne. Et tout cela, sans parler de toutes les dimensions de l’entente de partenariat avec le Canada, déjà défendues dans le texte d’accord du PQ, du Bloc et de l’ADQ signée le 12 juin 1995.

Pierre-Karl Péladeau partage les croyances économiques et sociales de la majorité de la bourgeoisie québécoise. Sa particularité est un souverainisme hors sol, qui, nous dit-il, serait « ni de gauche, ni de droite », qui flotterait donc au-dessus des rapports sociaux qui tissent la société québécoise. Mais son soutien au libre-échange, à la privatisation du bien commun, à la tarification des services publics, à une fiscalité qui favorise les riches, à l’exploitation des énergies fossiles, à la concentration de la presse... ne nous prépare pas une rupture quelconque avec le statut de minorité politique du peuple québécois. Les indépendantistes authentiques qui s’accrochent à la conception élitiste de l’homme providentiel capable d’ouvrir la voie de l’indépendance du Québec, fut-elle capitaliste, devraient y réfléchir à deux fois avant de se laisser emporter par des illusions qui consolent mais qui, concrètement, risquent de masquer l’enfoncement du Québec dans une dépendance encore plus grave, si le programme de ce monsieur était mis en oeuvre.

Le peuple québécois, lui, composé dans sa vaste majorité de salariéEs travaille aux ordres de ces élites qui occupent tout l’espace de commandement sur le terrain économique, politique et culturel. Le peuple québécois sait bien, que sa libération nationale, ne va se faire qu’à la condition d’en finir avec les élites fédéralistes au service de l’État canadien, mais ce qu’il expérimente maintenant avec la dérive droitière du Parti québécois, c’est qu’il devra également rompre avec les élites nationalistes de ce parti qui trouve normal de diriger le Québec pour ses seuls intérêts et de s’en prendre aux intérêts de la majorité de la population.

La mobilisation de la majorité populaire pour la reprise du contrôle démocratique sur son économie, sur sa vie politique et sur son pays, se fera dans un seul et considérable élan, dans une large prise de conscience que les sentiments de notre impuissance collective sont construits par les puissants et les riches et qu’ils ne pourront être dépassés que par la remise en question de leur pouvoir politique et économique.

PKP entre en politique, et on nous répète que sa nouvelle vocation à tout diriger est appelée à changer le sort du peuple entier. Voilà le fantasme avec lequel veulent se bercer les élites nationalistes sur le déclin. Il faudrait penser le pays tout en oubliant les intérêts de la majorité, ses aspirations démocratiques à participer à la définition de ses institutions. Il faudrait oublier l’urgence environnementale et se laisser faire le tournant pétrolier pour satisfaire la cupidité d’une minorité.

Il ne saurait en être question ! Notre indépendance politique sera le résultat de la mobilisation citoyenne pour un autre monde, pour une autre société... Et ceux et celles qui profitent du statu quo, montrent déjà leur vrai visage, comme ils (elles) le font, lorsque l’heure des décisions essentielles approche, le visage effrayé de ceux et celles qui ne veulent pas rompre avec leurs partenaires d’affaires de l’oligarchie régnante. C’est pourquoi la voie de la souveraineté n’est pas de droite, ni hors sol, mais bien de gauche, car elle ne peut se réaliser qu’en s’enracinant dans la volonté d’un projet de pays égalitaire, démocratique, féministe et écologique.


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