samedi 18 juillet 2015

Shahd Abusalama : Un après l’attaque de Gaza, le monde doit cesser de soutenir les crimes d’Israël


Je partage la copie intégrale de l'article par solidarité:



Shahd Abusalama : Un après l’attaque de Gaza, le monde doit cesser de soutenir les crimes d’Israël 

Shahd Abusalama, le 13 Juillet 2015

Mon défunt oncle Mohamed Abou Louz et son fils de deux ans. Mon oncle a été tué pendant l’attaque de 51 jours sur Gaza en 2014

J’entends encore la voix de mon père se briser en larmes et résonner à mes oreilles lorsque je l’ai appelé le 13 juillet 2014, à la suite du meurtre de notre voisin Hazem Abou Mourad.

Hazem a grandi à côté de chez nous et il était comme un fils pour mon père et c’était son meilleur compagnon quand il s’asseyait devant notre porte. Hazem a été tué avec cinq autres alors qu’il essayait de désamorcer un missile israélien de 500 kilos à Beit Lahya.

Je me rappelle encore le choc indescriptible ressenti par ma famille le premier jour de l’Aïd el Fitr devant la perte de mon oncle, Mohamed Abou Louz tué en laissant derrière lui une très jeune veuve, un fils de deux ans et une fille de trois ans. Les enfants étaient trop jeunes pour comprendre ce qui se passait autour d’eux. Ils étaient vêtus de vêtements neufs pour l’Aïd et ne cessaient de demander quand leur père serait de retour et leur donnerait des bonbons et des cadeaux.

Je peux presque entendre la voix tremblante de ma mère au téléphone, chaque fois que j’appelais : « Ça va, Dieu merci. Ne t’inquiète pas ». Le bruit de fond des bombes résonnait presque à chaque instant. Parfois, juste après que j’aie entendu le bruit terrifiant des explosions, l’appel était coupé. Cela me rendait folle, de sombres pensées de mort, de destruction et de perte m’envahissaient. J’essayais sans fin de rappeler, tandis que la panique me prenait.

Ce n’est que lorsque j’entendais de nouveau leurs voix que je pouvais me calmer et respirer, ou au moins soupirer car je n’arrivais pas à me ressaisir. Au cours de cette période traumatisante, dormir était la dernière chose à laquelle je pensais. Si je dormais, ce n’était que sommeiller involontairement devant mon ordinateur ou sur mon canapé. Mais je m’éveillais terrifiée de ces assoupissements accidentels, presque hors d’haleine, pensant que n’importe quoi avait pu se produire pendant que je dormais. Je me précipitais pour appeler ma famille et ne pouvais me détendre que lorsque quelqu’un avait répondu. J’éclatais en sanglots en un mélange d’émotions contradictoires : la peur, le traumatisme et le bonheur. Leurs voix au téléphone me disaient qu’ils étaient encore en vie ou pas encore morts.

Cette terreur m’a habitée pendant 51 jours et 51 nuits, mais elle s’est accentuée tandis que la folie de la guerre augmentait, se faisait plus brutale, et même pire que brutale. Mes jours et mes nuits se mélangeaient, je perdais le sens du temps. Cela n’avait plus de sens. La nourriture perdait son goût. Même le repos, bien que je fusse épuisée, perdait de son attrait. J’ai passé 51 jours isolée, assise devant mon ordinateur et à côté de mon téléphone, à regarder la couverture des événements par al-Mayadin et à écouter en même temps des radios palestiniennes en ligne telles que al-Qods, al-Aqsa et al-Shaab.

Colère

Pour rester saine d’esprit, j’écrivais sur les réseaux sociaux, parfois je remplissais mon carnet de croquis de noir et blanc, ou je défilais dans les rues d’Istanbul avec un groupe de Palestiniens pour manifester notre colère. Nous criions aussi fort que nous pouvions pour la justice et pour qu’Israël soit tenu responsable de ses crimes, pour arrêter l’attaque sur Gaza et le bain de sang. Regarder par la fenêtre de chez moi à Istanbul était comme si je recevais une claque, du fait de voir la vie ordinaire, normale, comme si rien ne se passait en Palestine et que personne ne mourait presque à chaque minute.

Par moments, je ressentais que même si j’avais le privilège de faire des études en dehors du ghetto de Gaza, où la vie de chaque personne, de tout âge ou genre, était sous la menace de la machine de mort sioniste, c’était plus dur à supporter que du temps où j’étais là-bas et où je vivais les attaques directement. Mais je pense que c’est parce que j’avais été présente quand la mort était partout et que les bombardements nous enveloppaient. Je savais ce que c’était et c’est ce qui me rendait folle. Nous avions survécu à beaucoup d’attaques, mais cela ne voulait pas dire que nous survivrions à toutes.

Le dernier massacre à Gaza a dépassé la brutalité. L’occupation israélienne a franchi toutes les lignes rouges par ses actions immorales et inhumaines. Des quartiers ont été complètement détruits. Des familles ont été effacées, pas un seul de leurs membres ne survivant pour transmettre l’histoire et les espoirs de ceux qui ont été massacrés. Mais les media internationaux dominants ont réduit à des chiffres dans leurs gros titres et même entre les lignes, cette tragédie endurée par le peuple palestinien.

Un an plus tard

Un an a passé depuis la déclaration de cessez-le-feu. Mais des civils palestiniens sont morts face au monde entier tandis que les pouvoirs occidentaux péroraient leur engagement pour le « droit d’Israël à se défendre ». Pendant ce temps, le nombre de victimes grimpait de plus en plus. Se défendre contre qui ?

Les chiffres disent clairement tout ce qui s’est passé. Plus de 2 200 Palestiniens, civils pour la plupart, ont été tués à Gaza et plus de 100 000 bâtiments ont été totalement détruits, tandis que 73 Israéliens, presque tous soldats, sont morts. Il s’agit d’une occupation contre les occupés et non d’un « conflit » opposant des armées égales. Les nôtres sont un peuple qui réclame ses droits légitimes, qui rejette des conditions de vie atroces semblables à une condamnation à une mort lente sous un siège suffocant, et qui résiste à une oppression de 67 ans perpétrée par un pouvoir colonial qui le traite comme moins qu’humain et continue à nier ses droits les plus élémentaires tout en s’attaquant à son existence même, son identité, sa culture et son histoire.

Un an a passé et les amas de décombres sont là, comme pour nous rappeler cruellement tout ce que notre peuple a souffert pendant l’assaut de 51 jours, ses terribles conséquences et combien peu de progrès a été fait depuis. La reconstruction a à peine commencé. Des milliers de gens sont encore dans des abris de fortune, vivant dans l’incertitude et luttant chaque jour pour leur survie. Je suis persuadée que chaque Palestinien, en particulier ceux de Gaza, est encore traumatisé. Ce à quoi nous avons survécu pendant l’été 2014 prendra tout le temps d’une vie pour s’adoucir. Cela restera toujours comme une cicatrice sur notre psyché jusqu’à ce que justice soit faite aux victimes qui sont mortes et que la liberté pour laquelle nous avons payé cet énorme prix soit gagnée, jusqu’à ce qu’Israël soit tenu pour responsable, dénormalisé et traité pour ce qu’il est en réalité : un État colonial.

Mais Israël n’est pas le seul responsable de ce que notre peuple a souffert. La responsabilité est partagée par toute la communauté internationale qui a donné le feu vert à Israël pour franchir toutes les lignes rouges. L’impunité d’Israël est renforcée par le silence d’un monde qui non seulement observe en silence, mais se montre proactif dans son soutien inconditionnel aux crimes d’Israël. La solidarité internationale avec la Palestine doit aller au-delà d’un simple sentiment et s’engager dans des actions politiques sérieuses pour combattre la politique des gouvernements qui soutiennent Israël et tout ce qu’il fait.

Ne laissez pas vos gouvernements continuer à soutenir Israël en votre nom ! Vous avez votre mot à dire ! Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) est une tactique qui se développe partout dans le monde et qui menace efficacement Israël. Renforcez le, partout où vous vous trouvez et contribuez à diffuser la voix de la justice. Et souvenez-vous toujours que « l’injustice quelque part est une menace à la jsutice partout ».

Shahd Abusalama est une artiste palestinienne de 23 ans, une bloggeuse de Gaza, actuellement inscrite en Master sur les média sur le Moyen Orient à l’institut des Études Orientales et Africaines (SOAS) de l’Université de Londres. Le fait d’être la fille d’un ex prisonnier palestinien a été sa première source d’inspiration pour le travail qu’elle a engagé pour combattre l’injustice par ses dessins et ses écrits. Son blog : Palestine From my Eyes (la Palestine vue de mes yeux) et on peut toujours la suivre à @shahdabusalama.

Traduction: S.F pour l’Agence Media Palestine

Source: Electronic Intifada electronicintifada.net/blogs/shahd-abusalama/year-after-gaza-attack


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